Créé en 1964 pour défendre les droits et les libertés des citoyens francophones dans une Belgique unitaire et dominée par la Flandre (nord du pays), le FDF prône l’idée d’un Etat fédéral.

Parti aiguillon des réformes institutionnelles, il est au gouvernement de 1977 à 1980 où il défend Bruxelles comme Région à part entière, pour qu’elle soit reconnue comme entité fédérée avec les mêmes pouvoirs que les deux autres régions, la Wallonie et la Flandre.

De 1989 à 2004, le FDF participe au pouvoir à la Région bruxelloise. En 1993, une Fédération PRL FDF se constitue pour renforcer les solidarités Wallonie-Bruxelles.

L’organisation bancale des institutions fédérales amène les Fédéralistes démocrates francophones à continuer leur lutte pour que la Région bruxelloise ne soit pas limitée à 19 communes et que la majorité des habitants francophones (87%) soit représentée au gouvernement bruxellois en respectant le suffrage universel. Actuellement, la minorité flamande (13%) détient 50% du pouvoir exécutif.

Ils mettent à la base de leurs actions le renforcement de la Communauté française, Wallonie-Bruxelles, institution qui doit être le lieu de toutes les solidarités entre les francophones de Bruxelles et de la périphérie, de Wallonie y compris les Fourons.

Depuis le 13 novembre 2016 et le vote quasi unanime des militants, les Fédéralistes Démocrates Francophones changent de nom pour s’appeler dès lors DéFI :

Démocrate

La démocratie ne se fortifie qu’en ouvrant de nouveaux espaces d’expression libre, qu’en recherchant de nouveaux consensus. C’est aussi une exigence éthique par l’exemplarité de l’exercice des fonctions que les élus exercent par la volonté du peuple. On registre pourtant une remise en cause profonde de la citoyenneté, de même qu’une inquiétante montée en puissance des forces obscurantistes, des pouvoirs de l’argent et des lobbies. Au point que soit mise en péril la liberté même de nos démocraties à décider de leur avenir…

Fédéraliste

Fédérer, c’est unir. C’est le refus de la loi du plus fort. C’est la recherche de nouveaux équilibres en vue d’une société plus harmonieuse. Après analyse rationnelle, les fédéralistes, modérés et responsables, accordent les points de vue contraires; dégagent une unité de vue et d’ambition. Comme l’indique Olivier Maingain, “il faut oser le fédéralisme pour retrouver des modes d’une gestion plus saine et plus juste de nos sociétés”.

Indépendant

Chez DéFI, le terme d’indépendant se réfère à la volonté de donner aux citoyens le pouvoir de décider, sans contrainte, de leurs conditions de vie. “Nous rassemblons des citoyens indépendants qui veulent rester maîtres des choix politiques essentiels en renforçant la démocratie participative et en obligeant les élus à refuser toute forme d’allégeance à quelque milieu d’influence.” 

Pourquoi pas francophone ?

L’attachement des amarantes à la francophonie n’est plus à démontrer. Chez DéFI, ce n’est toutefois pas l’unique engagement. Et nous refusons d’être enfermés dans l’expertise institutionnelle qui est la nôtre. Notre message a également une portée économique, environnementale, sociale.

1964 à 1981 : Dix-sept ans de combat pour la défense de Bruxelles.

LA NAISSANCE DU FDF

La naissance d’un nouveau parti politique n’a rien d’exceptionnel en Belgique. Elle est généralement l’expression du mécontentement d’une catégorie de citoyens, comme on l’a vu avec l’apparition de l’U.D.R.T. (Union Démocratique pour Respect du Travail) et de groupements écologiques.

Elle est parfois, aussi, la manifestation de farfelus qui se lancent dans l’aventure électorale en imaginant qu’ils vont secouer sinon ébranler l’échiquier politique.

Généralement, ces tentatives avortent dans l’œuf, ne recueillent que quelques centaines de voix.

Lorsqu’elles réussissent une modeste percée et arrivent à enlever un siège – dans les grands arrondissements électoraux où le nombre de sièges à pourvoir est important – ces nouveaux partis se maintiennent rarement plus d’une législature.

Bruxelles (entendons par là l’arrondissement électoral regroupant les arrondissements administratifs de Bruxelles-capitale et de Hal-Vilvorde) a été plus particulièrement choyé sur ce plan depuis 1919, c’est-à-dire depuis l’instauration en Belgique du suffrage universel

LA SURPRISE

On pouvait donc croire que l’apparition d’un Front Démocratique des Bruxellois Francophones (sigle FDF) aux élections de 1965, ne serait qu’une de ces petites péripéties électorales parmi d’autres.

Le 23 mai 1965, au soir des élections, ce fut la surprise : d’emblée le FDF recueillait 68.966 voix à la Chambre et 68.397 au Sénat, décrochant trois sièges de députés et un de sénateur.

Feu de paille ? Loin de là : aux élections du 31 mars 1968, le FDF recueillera 130.271 voix à la Chambre (et 5 sièges) et 137.353 voix au Sénat (et 3 élus directs plus un sénateur provincial).

L’apparentement électoral avec la liste Rassemblement Wallon de l’arrondissement de Nivelles permettra en outre à celle-ci d’obtenir un siège de député dans cet arrondissement.
Et la liste commune FDF – RW décrochera pour le RW également un sénateur provincial.

Dix ans plus tard, le 17 décembre 1978, le FDF apparaît comme le parti majoritaire bruxellois. A lui seul, il a plus de voix que le parti socialiste, le parti social-chrétien et le parti libéral (50,68 % des voix purement francophones à la Chambre, 53,60 % au Sénat et 53,44 % à la province). Son remarquable résultat lui permet d’enlever 11 sièges à la Chambre et 9 au Sénat (six élus directs – deux sénateurs provinciaux et un sénateur coopté).

Cette ascension du FDF a provoqué l’étonnement d’abord, l’irritation ensuite, l’inquiétude, enfin, de la classe politique traditionnelle, désemparée devant cette montée d’un parti linguistique et communautaire, montée accompagnée d’une irruption parallèle d’un parti fédéraliste, le Rassemblement Wallon, dans les arrondissements wallons.

Les routiniers de la vie politique ne pensaient pas qu’un tel genre de regroupement politique, sa confirmation et son développement d’une élection à l’autre depuis 1965 fussent possibles sur l’échiquier politique belge où les électeurs avaient l’habitude de se partager entre les trois grandes familles politiques traditionnelles : catholiques (sociaux-chrétiens depuis 1945), socialistes et libéraux.

La flambée inattendue du rexisme ne s’était-elle pas virtuellement éteinte après trois ans, en 1939, avant que ce mouvement ne s’engage délibérément dans la plus honteuse collaboration avec l’occupant de 1940 à 1945 ?

La brusque poussée du parti communiste, juste après la guerre, n’avait-elle pas été de très courte durée ? Le parti communiste, en effet, après avoir décroché 23 sièges en 1946, n’en obtenait déjà plus que 12 en 1949 et 7 en 1950 avant de se stabiliser autour de 4 à 5 sièges aux élections suivantes.

Alors, d’où venait ce succès croissant du FDF ?

LA LEGISLATION LINGUISTIQUE DE 1962-1963

L’élément le plus déterminant aura, certes, été le vote par le Parlement de la funeste législation linguistique de 1962-1963.

En 1830, la population belge s’était révoltée contre la domination hollandaise. Cette révolte était à la fois suscitée par l’oppression linguistique du pouvoir hollandais et sous-tendue par le différend religieux. Les provinces belges, en région flamande comme en région wallonne étaient en large majorité de tradition catholique, tandis que les provinces néerlandaises des Pays-Bas étaient en large majorité acquises au protestantisme. Ce différend religieux explique certainement pour une bonne part la participation d’une partie de la population néerlandaise du pays au soulèvement contre le pouvoir hollandais.

Mais à l’époque, en Flandre comme en Wallonie, la bourgeoisie dominante était francophone. Ce qui explique cette équivoque qui a conduit à adopter la langue française comme langue officielle de l’Etat belge.

Au fil des décennies pourtant, une nouvelle élite s’est développée, en région flamande, qui a lutté d’abord pour la reconnaissance de la langue néerlandaise comme deuxième langue officielle dans l’Etat belge. 

La guerre de 1914-1918 a accéléré ce mouvement et a conduit à de nouvelles dispositions destinées à mettre progressivement les deux langues nationales sur le même pied. C’est ainsi que l’université de Gand où l’enseignement se prodiguait en français est passé au régime néerlandophone dans les années vingt et que l’université de Louvain allait doubler sa section de langue française d’une section de langue néerlandaise.

Après le recensement décennal de 1930, sous la poussée du mouvement flamand, un nouveau pas allait être franchi avec l’adoption par le Parlement de la législation linguistique de 1932.

Cette législation visait à mettre ces deux langues sur le même pied et délimitait les régions linguistiques. Mais elle organisait aussi des soupapes qui devaient permettre à la législation de s’adapter aux évolutions.

Ainsi, il était prévu que, dans toutes les communes de la frontière linguistique, le régime administratif et scolaire serait adopté aux évolutions constatées par le recensement linguistique.

DES ATOUTS IMPORTANTS

Avant 1965, l’action wallonne et francophone s’était peu exprimée au travers d’un parti politique. Les partis fédéralistes wallons, dont le parti d’unité wallonne, n’avait jamais obtenu qu’un nombre de voix dérisoire.

Beaucoup de militants de ces mouvements estimaient, d’ailleurs, qu’il serait dangereux de transformer en parti politique les groupes de pression qu’ils constituaient. Un échec électoral n’aurait-il pas été interprété comme un désavoeu de leur action ?

Pour d’autres militants wallons et francophones, cependant, au lendemain de l’adoption par le Parlement de la funeste législation linguistique de 1962-1963, les circonstances paraissaient favorables pour infliger une leçon salutaire aux partis traditionnels qui avaient voté ces lois.

Il y a enfin, en décembre 1963, la naissance du R.D.L. (Rassemblement pour le Droit et la Liberté) à l’initiative de quelque trois cents professeurs d’Université. Comme le R.D.L. le souligne lui-même, il ne s’agit pas d’un parti politique, mais d’une  » réunion d’hommes de bonne volonté qui se sont proposés de développer un mouvement d’opinion pour la défense des libertés fondamentales contre l’intolérance et le fanatisme en matière culturelle et linguistique, et pour aider le pays à surmonter la crise morale et politique dans laquelle il est plongé depuis bientôt cinq ans « .

L’élan est donné et quelques semaines plus tard, treize personnes se réunissent, treize personnes issues, d’une part, des différents mouvements wallons ; d’autre part, du Rassemblement pour le Droit et la Liberté et du Bloc de la liberté linguistique. Ensemble, elles vont jeter les bases du Front Démocratique des Bruxellois Francophones, le FDF.

 

Il s’agissait de :

  • René BOURGEOIS – Président du secteur de l’enseignement de l’A.W.P.S.M. (association wallonne du personnel des services publics)
  • Paul BRIEN – Professeur à l’Université de Bruxelles
  • Léon DEFOSSET – Avocat, Président de la Régionale de Bruxelles du M.P.W. (Mouvement populaire wallon)
  • Jean HOFFMAN – Professeur à l’Université de Bruxelles
  • Marcel HOMBERT – Professeur à l’Université de Bruxelles
  • André LAGASSE – Professeur à l’Université de Louvain, Président de la Régionale bruxelloise de Rénovation wallonne
  • Victor LALOUX – Avocat, membre du Bloc de la liberté linguistique
  • Marcel LENGRAND – Industriel, Secrétaire général de la Ligue Wallonne
  • Léopold MOLLE – Professeur à l’Université de Bruxelles
  • Lucien OUTERS – Docteur en droit, fonctionnaire d’organisme européen, Secrétaire général de Rénovation wallonne
  • Eugène PAUL – Ancien prisonnier politique
  • Marcel THIRY – Secrétaire perpétuel de l’Académie de Langue et de Littérature française
  • Georges AVELANGE – Fonctionnaire

Le 11 mai 1964, c’est ce groupe qui, au cours d’une conférence de presse, annonce la création du FDF, et en présente le premier programme.

Le 15 mai suivant, déjà, le Pourquoi Pas ? consacre à l’événement son éditorial et constate :

  • Les prises de position du Front démocratique rencontrent trop les idées que nous avons toujours défendues ici pour ne pas souligner l’opportunité de cette naissance. Il importait que ces choses-là fussent proclamées ouvertement et que l’on autorisât les citoyens à dire, si oui ou non, ils approuvent ces principes.
  • Le Front démocratique va donner cette occasion aux électeurs bruxellois… Il pourrait inciter les formations politiques traditionnelles à revenir à des principes plus démocratiques et plus sains, en reconnaissant les droits des francophones.
  • S’il n’avait réussi que cela, le Front démocratique aurait déjà bien mérité non seulement des francophones, mais plus largement de la démocratie belge « .

Entretemps, le sénateur PSC, Jean Duvieusart, ancien Premier ministre, renonçant au PSC, manifeste dans ses déclarations un soutien extérieur aux thèses défendues par le FDF.

Aux élections communales d’octobre 1964, le FDF ne présente pas encore de listes propres, mais il apporte son appui à certains candidats, et notamment Roger Nols, à Schaerbeek, et à Georges Dandoy et Adrien Motte, qui présentent à Etterbeek une liste Union démocratique et francophone. Cette liste, avec 3.439 voix, obtiendra deux sièges sur 27, malgré la concurrence d’une liste Unité francophone qui recueillera 699 voix.
Dans d’autres communes bruxelloises, des listes francophones se présentent également, mais en ordre dispersé, et ne recueilleront généralement que peu de succès.

Le premier meeting du FDF, organisé le 12 novembre 1964, à la salle de la Madeleine, connaît un grand succès et réunira plus d’un millier de personnes. Dès lors, les réactions hostiles ne vont pas tarder non plus. Il est évident que, au départ, ni la presse, ni les dirigeants des partis traditionnels n’accordaient la moindre chance de réussite à ces amateurs qui prétendent se mêler aux jeux de la politique.

Devant les premiers signes de la percée du FDF, ils vont, maintenant, essayer de la discréditer. Seul le journal Le Soir fera preuve à l’égard du FDF d’un minimum d’objectivité et de compréhension.

LE MERITE DU FDF

Le groupe des treize personnes citées plus haut a eu le mérite de croire que le moment était venu de tenter quelque chose. Le FDF disposait d’atouts importants.

La défense des intérêts linguistiques des Wallons et des Francophones de Bruxelles avait déjà joué un rôle actif dans le rapprochement de diverses associations : Wallonie Libre, Mouvement Populaire Wallon, Rénovation Wallonne, A.W.P.S.P. (Association wallonne du personnel des services publics), Bloc de la liberté linguistique, Avant-garde Wallonne, Mouvement Libéral Wallon, Ligue Wallonne de l’Agglomération bruxelloise, etc…).

Après la première Mars op Brussel (marche flamande sur Bruxelles), le 22 octobre 1961, divers regroupements s’étaient déjà esquissés ; des meetings de protestation avaient été organisés avec succès à la Madeleine par le Front de la défense de Bruxelles, en 1961, et par le Front des Bruxellois Francophones en 1962. 

Ces fronts successifs et précaires témoignaient d’une volonté sporadique de regrouper les forces agissant en ordre dispersé.

Le problème linguistique agit comme un facteur de cristallisation. Il a pris, nous l’avons dit, toute son acuité avec le vote par le Parlement de la nouvelle législation linguistique de 1962-1963, ce qui va permettre l’union définitive entre les diverses tendances et des groupes de pression isolés qui maintenaient en général, jusqu’alors, une certaine adhésion aux partis traditionnels au sein desquels ils recommandaient le vote pour tel ou tel candidat dont l’attachement à la cause des francophones leur paraissait plus réel.

LE RASSEMBLEMENT POUR LE DROIT ET LA LIBERTE

Ce groupement en cours s’est trouvé renforcé et fortement accéléré par l’action décidée du  » Rassemblement pour le Droit et la Liberté  » (RDL). Le premier manifeste de ce Rassemblement fut lancé le 20 décembre 1963 par quelque trois cents professeurs des Universités de Bruxelles, Liège et Louvain.

Durant les années 1964 et 1965, ce Rassemblement ne cessera de dénoncer les vexations, les contraintes et la tyrannie linguistique organisée par la funeste législation linguistique de 1962-1963.

Non seulement la presse flamande, mais même la presse francophone refusera en général de publier ces protestations basées sur des études très fouillées et très objectives. Seul  » Le Soir « , encore une fois, assurera constamment une large diffusion à ces manifestes du R.D.L.

Quelques mois encore avant les élections du 23 mai 1965, le R.D.L. s’adressait aux présidents des trois grands partis traditionnels pour leur demander de s’engager à défendre un programme minimum mais précis :

  • liberté du père de famille
  • liberté de l’emploi des langues dans les entreprises privées
  • protection des minorités linguistiques.

Devant le refus des présidents des partis traditionnels de prendre nettement position, le R.D.L. fut amené à publier une nouvelle déclaration conseillant aux électeurs bruxellois de réserver leurs suffrages au FDF qui avait pris l’engagement devant lequel s’étaient dérobés les partis traditionnels.

AU-DELA DES CLIVAGES TRADITIONNELS

Né d’un sursaut d’indignation des Bruxellois, le FDF a voulu rassembler par delà les tendances philosophiques ou religieuses, les conceptions économiques et les tendances sociales, tous ceux qui ont foi dans la langue et la culture française et qui partagent un même idéal de démocratie authentique.

Un phénomène capital domine depuis quelques années la scène politique belge : la prise de conscience par les Flamands de leur nationalité, de leur force, et de la chance non-négligeable qui s’offre à eux, par leur majorité numérique, de dominer définitivement l’Etat belge, politiquement d’abord, économiquement ensuite.

La naissance de cette Communauté flamande très homogène, réaliste, dynamique et ambitieuse de dominer a faussé les données traditionnelles de l’Etat belge dont les structures ne sont pas adaptées pour corriger le déséquilibre qui s’installe et se développe entre les régions.

Face à cette volonté de plus en plus affirmée de domination flamande, les Bruxellois et les Wallons n’avaient pas le choix : il leur fallait ou se soumettre et se laisser véritablement coloniser, ou exiger la réforme des institutions.

Il était donc devenu indispensable de créer un parti bruxellois à cent pour cent dont l’objectif essentiel serait :

  • de veiller scrupuleusement au maintien des droits et des libertés en matière culturelle et linguistique, en s’appuyant sur ceux qui en Wallonie étaient animés par la même préoccupation.
  • de défendre les intérêts moraux, culturels et sociaux de l’agglomération bruxelloise et de sa périphérie.
  • de sauvegarder l’entité bruxelloise au sein de l’Etat belge.
UN PREMIER AVERTISSEMENT

Les élections du 23 mai 1965 constituent un premier avertissement aux fossoyeurs de la liberté et de la démocratie.

Le succès du FDF surprend beaucoup d’observateurs politiques qui avaient sous-estimé la capacité de révolte des Bruxellois.

La preuve est ainsi faite que voter pour le FDF, ce n’était pas perdre sa voix. La suite des événements allait, tout au contraire, démontrer que c’était la meilleure façon de la faire entendre.

Dès le mois de décembre, le sénateur André Lagasse dépose une proposition de loi portant création d’un district bruxellois, national et européen.
En mai 1967, le député Léon Defosset dépose une proposition tendant à organiser une consultation populaire dans l’arrondissement électoral de Bruxelles qui comprend non seulement les dix-neuf communes formant l’agglomération bruxelloise, mais une centaine de communes, la plupart à majorité flamande, constituant la périphérie bruxelloise.

A la Chambre, les trois députés FDF s’appuient sur deux députés wallons : François Perin, professeur à l’Université de Liège, qui a été élu à Liège sur une liste  » Parti Wallon du Travail  » et Robert Moreau, élu à Charleroi sur une liste  » Front Wallon « .

Dès leur entrée au Parlement, les parlementaires FDF interviennent dans le discussion sur la déclaration d’investiture du nouveau gouvernement (un gouvernement rassemblant sociaux-chrétiens et socialistes sous la direction de Monsieur Pierre Harmel).

Au Sénat, André Lagasse rappellera que les nouvelles Chambres sont Constituantes et ajoutera :  » sous aucun prétexte il ne faudrait qu’une fois encore les Chambres, élues comme Constituantes, eussent à constater leur impuissance à faire ce pour quoi elles sont mandatées.  »

Et affirmera que la préoccupation de quatre-vingt pour cent des Bruxellois concerne la révision de la législation linguistique applicable dans la région bruxelloise. 
 » Qu’une révision de cette législation soit absolument nécessaire, tout homme raisonnable le reconnaît aujourd’hui. Avant le 23 mai, certains, qui étaient peu en contact avec la réalité bruxelloise – avec la population des dix-neuf communes et la population des communes environnantes – pouvaient encore s’illusionner.

Mais aujourd’hui, continuer à nier la nécessité et même l’urgence de cette révision de la législation linguistique applicable à Bruxelles, ce serait s’enfoncer la tête dans le sable, et chacun sait comment ce genre d’exercice se termine généralement « .

André Lagasse, dès ce premier discours, soulignera aussi la si nécessaire solidarité entre Bruxelles et la Wallonie :  » Et, Messieurs, je voudrais qu’ici l’on me comprenne bien. La population bruxelloise, aujourd’hui, est consciente de ce que son avenir dépend avant tout d’un véritable équilibre dans le pays, équilibre qui aujourd’hui est rompu par le déclin économique et le vieillissement de la région wallonne. Que l’on voit, aujourd’hui, des responsables bruxellois tendre la main aux dirigeants de la communauté wallonne : c’est que, ils l’ont compris, dans la Belgique remodelée, et dans l’Europe de demain, leur sort, aux uns et aux autres, est devenu indissociable « .

Même son de cloche à la Chambre, où de son côté, Léon Defosset, en préambule à son intervention, déclara que, pour le groupe FDF qu’il représentait,  » la déclaration gouvernementale, malgré ses belles phrases feutrées (M. Harmel a fait ses études chez les jésuites…) et son chapelet de lieux communs, nous convie en réalité à une nouvelle dégradation de nos institutions parlementaires. Car, ajouta-t-il, c’est bien à un nouveau  » dépouillement  » des prérogatives du Parlement que l’on assiste « .

Car, comme il devait le souligner,  » la question préalable qui se pose actuellement, alors que l’on vous demande de démissionner une nouvelle fois de vos pouvoirs, est de savoir si les Chambres Constituantes pourront décider librement de la révision de la Constitution ou si, tels de simples tabellions auxquels ne sont permises que d’insignifiantes rectifications de forme, elles devront passivement entériner ce que de petits enclaves réunis en dehors d’elles ont décidé d’imposer à la suite de marchandages sans fin et de compromis inacceptables « .

 » Un entérinement, comme devait encore le souligner Léon DEFOSSET, aurait en outre pour effet d’institutionnaliser la législation linguistique actuelle (condamnée pourtant par l’électeur en tout cas wallon et bruxellois) et là, je touche encore un des points essentiels que ne contient pas la déclaration gouvernementale : qu’en est-il des problèmes linguistiques, des problèmes de la périphérie bruxelloise, de la liberté linguistique et de la liberté du père de famille. « 

Et d’annoncer, en conclusion, de qu’allait être le rôle des parlementaires du FDF :

 » Nous veillerons à faire entendre, chaque fois qu’il le faudra, la voix des centaines de milliers de Bruxellois francophones et ce sera, quoi que vous en pensiez, toujours la voix de la raison, de la liberté, de l’opposition à toute contrainte et de la défense des intérêts spécifiques de Bruxelles, sous l’aspect de sa triple vocation : bruxelloise, nationale et européenne « .

Dès octobre 1965, le FDF envoie gratuitement à tous ses membres un bulletin mensuel :  FDF-Contact.

Ce premier numéro annonce notamment la constitution d’un certain nombre de comités de sections locales, à Auderghem, Ixelles, Watermael-Boitsfort, Woluwe-Saint-Lambert, Woluwe-Saint-Pierre, dans l’agglomération, et Leeuw-Saint-Pierre et Wezembeek dans la périphérie. Un comité de district s’est également constitué dans le district électoral d’Anderlecht, où l’on retrouve des représentants de plusieurs communes formant ce district.

Le numéro suivant, celui de novembre, annoncera la constitution de comités locaux dans les communes de Bruxelles, Evere, Forest, Saint-Gilles, Saint-Josse, Schaerbeek et Uccle.

Ainsi, en quelques semaines, à l’automne 1965, toutes les communes de l’agglomération et plusieurs communes de la périphérie bruxelloise se verront dotées de sections locales dont l’action inlassable ne sera pas pour rien dans les succès futurs du FDF.

LES ELECTIONS DU 31 MARS 1968

Le 31 mars 1968, nouveau coup de semonce, plus sec encore, pour les partis traditionnels.

Durant vingt-deux mois, le gouvernement Vanden Boeynants-De Clercq (PSC-PLP) avait escamoté le problème fondamental qui se posait au pays :

  • Il avait mis  » au frigo  » le contentieux communautaire. Ce qui ne l’avait pas empêché pourtant, de publier des arrêtés d’application de la législation linguistique de 1962-1963.

Au mois de février 1968 éclate l’affaire de Louvain : aux cris de  » Walen buiten « , des fanatiques flamingants, soutenus par Jan Verroken, député CVP, réclament et obtiennent le départ de Louvain de la section française de la vénérable université. Et cela, malgré les dispositions particulières de la législation linguistique de 1962-1963 assurant aux professeurs et étudiants de cette section francophone le maintien de toutes les infrastructures culturelles nécessaires.
Le gouvernement Vanden Boeynants démissionne.
A la suite de la chute du gouvernement, de nouvelles élections ont lieu le 31 mars 1968. Elles doivent élire une  » Constituante « , car, avant de se retirer, le gouvernement Vanden Boeynants a fait voter par les Chambres une déclaration de révision de la Constitution.

Quelques semaines avant le scrutin, avec l’appui de plusieurs membres du FDF, se constitue le  » Rassemblement Wallon  » qui réunit le  » Parti Wallon du Travail  » déjà représenté au Parlement par François Perin, le  » Front Wallon « , représenté au Parlement par Robert Moreau et d’autres groupements wallons.

Le FDF, de son côté, enregistre les premiers ralliements de personnalités libérales, dont celui de Pierre Havelange, avocat et conseiller communal de Saint-Josse-Ten-Noode, un faubourg bruxellois. Ces élections vont marquer un premier échec des partis traditionnels qui avaient espéré endormir l’opinion publique.

Au PSC de Bruxelles, lors de la constitution des listes électorales, des discussions passionnées vont séparer les partisans du maintien de l’alliance traditionnelle à Bruxelles, entre l’aile flamande, le CVP, et l’aile francophone, le PSC.

Une majorité francophone, conduite par François Persoons, arrachera de justesse la décision de présenter une liste PSC unilingue francophone, soutenue par le PSC wallon.

Mais M. Vanden Boeynants, chaud partisan de l’unité d’action, ne s’inclinera pas : avec une majorité des parlementaires francophones du PSC bruxellois, il conduira une liste de  » cartel  » avec le CVP, liste non reconnue, au moment des élections, par l’aile wallonne du parti social-chrétien. C’est pourtant ce cartel, virtuellement en rupture avec le PSC francophone qui l’emportera et de loin : il recueillera 236.283 voix et enlèvera 9 sièges à la Chambre. Le Premier ministre sortant recueillera lui-même le chiffre impressionnant de 116.007 voix de préférence, record absolu dans l’arrondissement de Bruxelles.

Mais ce succès ambigu est obtenu à la fois sous l’effet de l’émotion créée par les manifestations flamingantes de Louvain et grâce à une propagande véritablement barnumesque dans laquelle la liste de cartel VDB-CVP aurait englouti plus de trente millions de francs (certains parlent même de cinquante millions) et cela, pour le seul arrondissement électoral de Bruxelles.

Par contre, la liste du PSC orthodoxe que conduit François Persoons ne recueillera que 19.303 voix et M. Persoons lui-même ne sera élu que grâce aux mécanismes de l’apparentement avec la liste PSC de l’arrondissement de Nivelles.

De son côté, malgré une propagande également intensive faisant appel aux sentiments patriotiques, M. Van Audenhove, président du PLP, ne parvient pas à réunir cette majorité de  » modérés  » à laquelle il croyait pouvoir faire appel. Son parti recule en Flandre, où il est même dépassé par la Volksunie. En Wallonie, il fait un certain progrès, mais la percée du Rassemblement Wallon en réduit la portée.

A Bruxelles, le PLP perd quelque 50.000 voix et trois sièges de députés. Le parti socialiste, lui s’est divisé et présente une liste officielle de la fédération bruxelloise à prédominance francophone qui obtiendra 5 sièges et une liste flamande qui obtiendra 2 sièges.

Le succès du FDF est spectaculaire : il double virtuellement ses voix, comme nous l’avons vu plus avant.

CREATION D’UN GROUPE PARLEMENTAIRE FDF-RW

Après les élections du 31 mars 1968, il fallait pour des raisons d’élémentaire stratégie, réunir en groupe cohérent les forces, qui, à Bruxelles et en Wallonie, entendent s’opposer aux excès de l’impérialisme flamand.

C’est la raison qui amène le FDF et le RW (Rassemblement Wallon) à unir leurs forces.

Cette alliance du FDF-RW s’inscrit dans la logique d’une identité de doctrine fondamentale en matière de réforme des institutions et est inspirée par un même attachement aux principes de liberté.

Le FDF et le RW sont résolument décidés l’un et l’autre à résoudre le problème communautaire en tenant compte de la volonté des populations intéressées, et à faire connaître les droits de la Communauté française dans sa double implantation, en Wallonie et à Bruxelles.

Elle sera annoncée officiellement à la presse le mardi 21 mai 1968 par M. Jean Duvieusart qui a été élu à la présidence de la formation commune.

 

« Face à la cohésion flamande » souligne-t-il, lors de cette conférence de presse, « l’unité d’action du FDF et du RW est apparue comme indispensable. Loin de disparaître, chacun des deux mouvements conservera sa physionomie propre ; leur union leur permettra, au contraire, de renforcer mutuellement leur action ».

Les deux formations resteront toutefois autonomes en matière d’organisation et sur les points de doctrine qui ne concernent pas la réforme des institutions et la défense de la culture française et des libertés individuelles. Cette autonomie ne s’inscrit-elle pas, d’ailleurs, dans la logique même d’un véritable esprit fédéraliste ?

Elle n’empêchera pas le FDF et le RW de témoigner de leur étroite solidarité chaque fois que les intérêts fondamentaux des deux régions sont en cause. Cette solidarité s’exprimera ainsi, notamment, dans la défense de la région des Fourons, ce groupe de six petites communes – aujourd’hui fusionnées – qui ont été arbitrairement détachées en 1963 de la province de Liège et rattachées à la région flamande (province de Limbourg) contre la volonté de la majorité de leurs habitants.

LE MANIFESTE DES "29"

Dès le mois de juillet suivant, à l’initiative principalement du FDF, un Manifeste est proposé à la signature de tous les parlementaires bruxellois, manifeste dans lequel sont énumérées les aspirations des Bruxellois :

Les Parlementaires bruxellois déplorent que sur aucun des points essentiels suivants, les aspirations des Bruxellois n’aient été prises en considération :

  1. La liberté du choix de la langue dans l’enseignement ;
  2. La gestion de l’agglomération ;
  3. Une  » solution  » au problème de l’agglomération ;
  4. La décentralisation et les conseils économiques régionaux.

C’est pourquoi les Parlementaires de l’arrondissement de Bruxelles prennent l’engagement de s’opposer à ce programme et, sans préjudice au programme de leur parti respectif, de travailler en commun pour les objectifs suivants :

LE LIBRE CHOIX DE LA LANGUE DE L’ENSEIGNEMENT dont l’exercice effectif sera garanti par l’existence de réseaux d’enseignement de haute qualité et répondant aux besoins objectivement constatés.

LE DEVELOPPEMENT NORMAL DE L’AGGLOMERATION en dehors des limites des dix-neuf communes, eu égard aux réalités économiques, sociologiques et urbanistiques compte tenu des structures nouvelles dont l’Etat belge serait doté et de la volonté des populations des communes périphériques s’exprimant soit directement, soit par l’intermédiaire des conseils communaux compétents.

LE MAINTIEN DE L’UNICITE DE LA REGION ECONOMIQUE BRUXELLOISE et la reconnaissance aux travailleurs de cette région, quelle que soit leur langue, des droits à l’emploi, au développement économique et à la prospérité reconnus aux travailleurs des autres régions.

LA GESTION DEMOCRATIQUE et conforme aux indications du suffrage universel de l’Agglomération dans son ensemble, ainsi que son administration par des services dont la structure linguistique sera fonction des besoins réels et non de la recherche d’équilibre quantitatifs théoriques entre les représentants des deux communautés linguistiques.

L’ETABLISSEMENT dans les communes de l’agglomération de l’unilinguisme des individus et du bilinguisme des services.

Ce texte, La Libre Belgique va le qualifier de manifeste Simonet-Persoons-Outers. Il deviendra, en réalité, très vite, le manifeste des 29 ainsi dénommé parce que, en quelques jours, pas moins de 29 parlementaires bruxellois, députés et sénateurs, vont le signer. Parmi les signataires, on relève notamment, outre tous les parlementaires FDF, les noms de plusieurs parlementaires socialistes, dont MM. Cudell, Simonet, Marchtens et Franck et libéraux, dont MM. Demuyter et Mundeleer, et ceux de François Persoons, le seul député élu sur la liste officielle du PSC francophone, en mars 1968, et de Gaston Moulin, député communiste de Bruxelles.

Au tout début décembre 1968, à l’occasion d’une séance plénière dans la salle du Conseil de l’Hôtel de Ville de Saint-Gilles, de très nombreux mandataires provinciaux et communaux de 49 communes de l’agglomération et de la périphérie apportèrent leur appui au Manifeste, et, parmi eux, 10 bourgmestres, 40 échevins, 214 conseillers communaux et 21 conseillers provinciaux.

Seul le PSC, à quelques petites exceptions près, s’est tenu résolument en dehors de ce mouvement.

NON AU CARCAN

Le 11 octobre 1970 se sont déroulées les premières élections communales auxquelles le FDF en tant que tel présente des candidats.

Le PSC s’y présente divisé. Après les élections de mars 1968, impressionné par le succès électoral de M. Vanden Boeynants, le PSC wallon s’est rapproché de lui et après l’avoir pourtant soutenu, abandonne M. Persoons. Celui-ci a créé un mouvement d’action et de réflexion de tendance sociale-chrétienne  » Démocratie Bruxelloise  » qui a des sections dans de nombreuses communes bruxelloises.

A l’approche des élections communales, plusieurs de ces sections vont faire alliance avec le FDF. C’est le cas, notamment à Auderghem, à Etterbeek, à Uccle et à Woluwe-St-Pierre.

Le résultat de ces élections fut extrêmement favorable au FDF qui s’imposait, d’emblée, comme le premier parti de Bruxelles, enlevant avec ses alliés de Démocratie Bruxelloise pas moins de 161 sièges sur les 513 de l’agglomération, soit 31,4 % contre 125 au PSB (parti socialiste), 114 au PLP (parti libéral) et 105 au PSC (parti social chrétien). Ceci pour l’ensemble des dix-neuf communes formant l’agglomération bruxelloise.

Dans la périphérie, des listes  » Liberté et Démocratie  » ou équivalentes, listes dans lesquelles le FDF est largement représenté, enlevèrent une bonne cinquantaine de sièges de conseillers communaux dans une vingtaine de communes.

Ce succès électoral permet au FDF d’enlever le maïorat dans quatre communes bruxelloises : Etterbeek (avec Démocratie Bruxelloise), Forest, Schaerbeek et Woluwe-Saint-Pierre (avec Démocratie Bruxelloise). Dans deux autres communes, il entre dans la majorité : à Koekelberg et à Uccle (avec Démocratie Bruxelloise).

La mort de Jacques Georgin

La campagne électorale pour ces élections communales de 1970 sera marquée par un événement dramatique : dans la nuit du vendredi 11 septembre au samedi 12 septembre, un militant FDF, Jacques Georgin, collait paisiblement des affiches avec trois compagnons, dans une artère de Laeken, lorsqu’il fut sauvagement attaqué par une dizaine de forcenés du  » Vlaamse Militante Orde « . Il devait mourir quelques minutes plus tard, victime de la violence des coups reçus, tandis qu’un de ses compagnons devait être également blessé.

Agrégé en philologie romane de l’U.L.B., professeur à l’athénée de Saint-Josse puis à 
l’Institut supérieur de l’Etat, Jacques Georgin militait depuis la première heure du FDF, secrétaire de la section de Laeken, on ne lui connaissait que des amis. Jacques Georgin laissait derrière lui, une veuve et deux enfants, Jehanne, quatre ans et demi et Thibaut, deux ans et demi.

Cette dramatique bagarre électorale a amené par la suite une certaine réglementation des opérations de collage : interdiction de collage de nuit, généralement entre 22 heures le soir et 7 heures le matin, multiplication de panneaux d’affichage placés par les communes avec réservation d’emplacement sur ces panneaux pour chacune des listes en présence.
Ces mesures ont eu pour effet d’apaiser les ardeurs trop intempestives et de réduire le nombre et la gravité des bagarres électorales.

DU SABLON A LA BOURSE

Malgré le désavoeu infligé par les Bruxellois, le 11 octobre 1970, aux projets gouvernementaux concernant Bruxelles, la coalition au pouvoir poursuit la révision de la Constitution au Parlement, sans en modifier les projets nouveaux, qui ont, précisément, soulevé la colère des Bruxellois.

Il en sera ainsi du vote par les deux Chambres, en fin d’année, de l’article 108ter qui établit un régime anti-démocratique pour la constitution du collège d’agglomération : en dehors du président, élu par l’ensemble du collège d’agglomération, cet article prescrit la parité entre les groupes linguistiques français et néerlandais pour les membres du collège exécutif. Ceci revient à admettre que les 15 % de néerlandophones de l’agglomération pourront élire autant d’échevins soit six, que les 85 % de membres francophones.

Au moment du vote de cette nouvelle disposition constitutionnelle à la Chambre, certains députés socialistes qui avaient pourtant signé le  » Manifeste des 29  » et participé à la grande manifestation du 25 juin 1970 contre le  » carcan  » quitteront honteusement le Parlement avant le vote.

C’est pour protester contre cette nouvelle atteinte aux droits démocratiques des Bruxellois qu’une nouvelle manifestation de masse est organisée le 12 décembre 1970, au Sablon, vieille place Bruxelloise dominée par la très belle église du Sablon. Des milliers de Bruxellois s’y rassembleront pour y écouter notamment des discours du Bâtonnier Van Ryn, président du Rassemblement pour le Droit et la Liberté, du sénateur FDF, André Lagasse, du député socialiste Guy Cudell (outrepassant les décisions de la Fédération bruxelloise du parti socialiste), du sénateur libéral Norbert Hougardy et du député François Persoons, qui comme le soulignera  » Bruxelles-Vérité « mène le difficile combat du solitaire.

Après les discours, les manifestants descendront en masse, mais pacifiquement, jusqu’au cœur de Bruxelles, à la Bourse, où aura lieu la dislocation du cortège.

LE RALLIEMENT DE "DEMOCRATIE BRUXELLOISE"

Solitaire, François Persoons n’allait plus le rester longtemps. En mars 1971, en effet, la fusion du FDF et de  » Démocratie Bruxelloise  » devenait totale, sous l’étiquette du FDF. Comme allait le souligner François Persoons lui-même, cette fusion reposait sur deux raisons essentielles :

  1. « Il était devenu impossible à de nombreux sociaux-chrétiens bruxellois francophones de considérer que la politique de leur parti respectait les principes au nom desquels ils y avaient adhéré « 
  2. « Il crève les yeux que Bruxelles, menacée d’un régime de type colonial fondé sur l’opposition de la majorité et la spoliation de tous, exige la constitution rapide d’une force politique unique pour résister au pouvoir colonisateur. « 

 » C’est pourquoi, devait-il conclure, les hommes qui placent la fidélité à leur idéal avant leur allégeance aux structures établies se rejoignent dans une même force politique « .

Avec François Persoons, de très nombreux membres de  » Démocratie Bruxelloise  » dont Georges Clerfayt, Jean Wery, Angèle Verdin et Jean-Pierre Cornet, respectivement chefs de file de  » Démocratie Bruxelloise  » à Rhode-Saint-Genèse, Etterbeek, Ixelles et Uccle allaient rallier le FDF. Et d’autres encore, dans différentes communes.

LES ELECTIONS DE 1971

Novembre 1971 allait voir se dérouler deux élections successives. Le 7 novembre, d’abord, des élections législatives après une dissolution prématurée des Chambres. A ces élections, le FDF allait quasi doubler son succès des élections de 1968 : 235.929 voix et 10 sièges à la Chambre, 242.976 voix et 5 sièges d’élus directs au Sénat, auxquels viendront s’ajouter un siège de sénateur provincial et un siège de sénateur coopté.

Ainsi le FDF compte 17 parlementaires, dont l’action se prolongera à la Province par 21 conseillers sur 90.

Parallèlement, le Rassemblement Wallon a remporté lui aussi un beau succès, enlevant 14 sièges à la Chambre et 12 au Sénat, dont 3 sénateurs provinciaux et 2 sénateurs cooptés.

Dans le Brabant wallon, il est en tête des partis, avec 46.810 voix sur 129.645, soit 36,11 % des voix.

A la Province, le groupe FDF-RW avec 25 conseillers (21 FDF et 4 RW) est désormais le groupe le plus important.

Mais la coalition formée par les trois partis traditionnels s’accrochera au pouvoir provincial, et dominé par une majorité flamande, continuera à pratiquer une politique discriminatoire à l’égard de Bruxelles, accordant le maximum de ses faveurs au Brabant flamand et au Brabant wallon.

On constate à ces élections, que les libéraux se sont à leur tour divisés. Il s’agit, en fait, d’un véritable éclatement, avec, d’une part, une liste PLP francophone, une liste PLP/PVV bilingue, mais à prédominance flamande, et une liste LIB (dissidence à prédominance francophone).

Cet éclatement est, en fait, la conséquence du ralliement d’une partie des libéraux au  » Comité de Salut Public  » et peu après de leur participation au  » Rassemblement Bruxellois  » qui vient de se former pour affronter les premières élections d’agglomération.

LE TRIOMPHE DU RASSEMBLEMENT BRUXELLOIS

Le succès appréciable que vient de remporter le FDF n’est que le prélude au triomphe que le FDF, le PLP francophone et quelques indépendants vont remporter, deux semaines plus tard, en se présentant ensemble, sous l’étiquette de Rassemblement Bruxellois à ces élections pour l’Agglomération de Bruxelles, le 21 novembre 1971.

Il faut savoir, que, dans le cadre de la révision de la Constitution, on avait prévu deux types nouveaux d’institutions : les agglomérations et les fédérations de communes (article 108bis) avec des règles particulières et très contraignantes pour l’Agglomération de Bruxelles (article 108ter).

Ce nouveau prescrit constitutionnel laissait à la loi le soin de créer et d’organiser ces nouvelles institutions. Dans la pratique, il y eut des oppositions à la création de telles institutions aussi bien à Anvers et à Gand, d’une part, qu’à Charleroi et à Liège, d’autre part. Mais il s’est trouvé à l’époque des majorités politiques au Parlement, pour imposer en tout état de cause la création de l’Agglomération de Bruxelles et de cinq fédérations périphériques autour de Bruxelles. L’objectif le plus évident de la création de ces fédérations de communes, était d’encore mieux enfermer Bruxelles dans le carcan de ces dix-neuf communes, en l’entourant de fédérations où les communes proches de Bruxelles, qui comptent d’assez forts pourcentages d’habitants francophones, étaient noyées dans les ensembles de communes à forte majorité néerlandophone.

En outre, la loi prévoyait une organisation de pouvoir telle, pour l’agglomération bruxelloise, que les quelque 15 % de néerlandophones de l’agglomération y obtenaient autant de sièges d’échevins que les 85 % de francophones, soit six sur douze.

Seule l’élection du président échappait à cette répartition. Il s’agissait ainsi, dans l’esprit de ces adversaires de Bruxelles d’enlever à la majorité démocratique bruxelloise des six échevins francophones et les six échevins flamands appartinssent aux partis traditionnels pour empêcher la majorité démocratique réelle de contrôler le collège d’agglomération.

Considérant cette menace, le FDF et le PL ont cherché et réussi à associer à leur Rassemblement des Bruxellois néerlandophones modérés, les uns membres du FDF, les autres du PL et d’autres encore  » indépendants « .

Le Rassemblement Bruxellois a ainsi pu présenter une liste de 83 candidats dans laquelle un petit tiers des places était occupé par des candidats du rôle néerlandais.

"LES YEUX QUI S’OUVRENT"

Un autre élément, d’une portée politique considérable, n’a pas peu contribué au succès du Rassemblement Bruxellois : c’est le patronage que lui a apporté Paul-Henri Spaak, vieux lutteur socialiste et homme politique de renommée internationale qui avait été plusieurs fois tantôt Premier Ministre, tantôt Ministre des Affaires étrangères et qui fut le premier Président de l’O.N.U. lors de sa création après la guerre.

Déjà, dans une série d’articles publiés dans  » Le Soir « , Paul-Henri Spaak avait développé ses sentiments sur l’évolution des esprits et de la situation politique en Belgique.

Mais c’est dans un article particulièrement retentissant, intitulé  » Les Yeux qui s’ouvrent  » publié dans ce quotidien le 27 octobre 1971, que Paul-Henri Spaak allait, de façon décisive, emporter l’adhésion d’une partie de l’électorat bruxellois au Rassemblement Bruxellois.

Le couronnement de la nouvelle croisade qu’il avait entreprise pour la défense de Bruxelles devait se traduire par sa participation à un meeting historique, le 5 novembre 1971.

Ce meeting, le Rassemblement Bruxellois n’avait pu l’organiser dans aucune grande salle bruxelloise, se heurtant chaque fois au refus des autorités locales de mettre leur salle à sa disposition. C’est le cirque Bouglione établi pour quelques semaines à la place Flagey à Ixelles, qui acceptera de faire relâche pour un soir et mettra son vaste chapiteau à la disposition du Rassemblement Bruxellois.

En fait, malgré ses dimensions, ce chapiteau se révéla vite trop petit pour contenir la foule des participants qui affluaient et il fallut encore, en dernière minute, louer une salle de cinéma voisine, où un relais par télévision fut assuré, pour accueillir plusieurs centaines d’autres participants. Les retardataires, des centaines encore, écoutèrent les discours à l’extérieur du chapiteau, stoïquement, leur seul enthousiasme leur faisant supporter la fraîcheur de cette soirée mémorable d’automne.

Paul-Henri Spaak, déjà visiblement marqué par la maladie qui allait l’emporter quelques mois plus tard, lança, dans son discours, un vibrant appel aux Bruxellois, appel qu’il termina par ces mots :

« Bruxellois, luttez, ne vous résignez pas. N’acquittez pas ceux qui ont voulu de mauvaises choses ou ceux qui les ont permises. Ne votez pas pour les partis traditionnels. Je vous le dis, Bruxellois : Ne votez pas pour ceux qui n’ont ni sang dans les veines ni générosité dans le cœur ni clarté dans l’esprit ».

Cette intervention combien vibrante et émouvante de Paul-Henri Spaak dans la grande bataille électorale qui allait se jouer,  » son dernier combat « , comme devait le qualifier Lucien Outers fut indéniablement un des éléments prépondérants dans le succès que le Rassemblement Bruxellois allait connaître quelques jours plus tard.

MAJORITE ABSOLUE

En effet, le grand soir des élections du 21 novembre, chacun des résultats partiels qui allaient s’égrener au fil des heures n’allait que confirmer l’énorme succès réalisé par le Rassemblement Bruxellois face à la coalition du PSC, du PSB et des partis flamands : le Rassemblement Bruxellois enlevait 42 sièges sur 83, et avec 31 élus francophones et 11 élus néerlandophones, il s’assurait mathématiquement – suivant les mécanismes absurdes de la loi imaginée par ses adversaires – cinq sièges d’échevins du rôle français et 3 sièges d’échevins d’un des siens à la présidence à la fois du Conseil et du Collège d’Agglomération.

On se doute que l’échec des savants calculs faits par les adversaires de Bruxelles pour place l’Agglomération sous une véritable tutelle flamande suscita chez eux une profonde hargne à l’égard de cette nouvelle institution dont le contrôle leur échappait. Pendant plusieurs mois, tout fut fait, par de misérables manœuvres pour empêcher l’installation du Conseil d’Agglomération.

C’est finalement, le 12 juin 1972, seulement, que le Conseil put être installé officiellement, au cours d’une séance solennelle dans la Salle du Conseil Provincial.

C’est André Lagasse, premier sénateur FDF à avoir fait son entrée à la Haute Assemblée, en 1965, qui fut élu à la présidence par les 42 voix des conseillers du Rassemblement Bruxellois contre 33 à feu Edmond Machtens (sénateur socialiste qui bénéficia des 15 voix PSC/CVP (francophones et néerlandophones) et des 3 voix PVV/PLP (fraction libérale à prédominance néerlandophone).
On note 8 abstentions : les 5 VolkUnie, un libéral et le communiste et le socialiste flamand.

Le 16 juin suivant, toujours en la salle du Conseil Provincial du Brabant, il fut procédé à la désignation des échevins d’agglomération. Il s’agissait donc d’une désignation purement d’ordre mathématique, la répartition des sièges se faisant proportionnellement au nombre de conseillers francophones ou néerlandophones de chaque liste.

Le Rassemblement Bruxellois obtint 5 sièges ( 3 FDF et 2 PL) côté francophone et 1 siège, le CPV (sociaux-chrétiens néerlandophones) 2 sièges , et la Volksunie 1 siège.

1974 : UN PALIER

De fin 1971 à 1974, deux gouvernements successifs, un gouvernement Eyskens-Cools (PSC/CVP et socialistes) et un gouvernement Leburton (PSC/CVP, socialistes et libéraux) se sont succédé qui malgré la présence en leur sein des ministres des Relations communautaires ne réussissent pas à faire avancer l’organisation de la régionalisation, pourtant prévue dans le nouvel article 107quater de la Constitution révisée, article adopté par les Chambres constituantes en décembre 1970.

L’article 170quater prévoit expressément l’organisation de la régionalisation en trois régions : la Wallonie, la Flandre et la Région bruxelloise, chacune de ces trois régions devant être dotées d’organes régionaux (assemblées et pouvoirs exécutifs régionaux).
Mais cet article se heurte à la définition des limites à donner à la Région bruxelloise, point sur lequel les Flamands et une majorité de Bruxellois n’arrivent pas à se mettre d’accord. Au début 1974, le gouvernement Leburton démissionne et les Chambres sont dissoutes.

De nouvelles élections ont lieu le 10 mars 1974.

Cette fois, le PSC et le CVP aussi se présentent sur des listes séparées. Le FDF et ses alliés libéraux du Rassemblement Bruxellois, par contre, décident de se présenter sur une liste commune de cartel sous le signe FDF – PLDP (PLDP étant le nouveau sigle de cette fractions majoritaire de l’ancien parti libéral bruxellois).

Ni cette présentation en cartel, ni l’affiche choisie par le FDF – une vague évoquant une lame de fond – ne portent vraiment bonheur à cette liste et ne suffisent pas à compenser la campagne d’intoxication menée spécialement contre le FDF à propos des problèmes éthiques et du thème de l’école pluraliste.

Certains adversaires ironiseront en parlant du  » creux de la vague  » (par référence à l’affiche du FDF). C’est, en fait, plutôt d’un palier qu’il faudrait parler, mais qui ne se traduit pas moins par un certain tassement.

Le 7 novembre 1971, le FDF avait recueilli 235.929 voix à la Chambre, et le parti libéral bruxellois 89.139, soit ensemble 305.068 voix. Ils avaient ainsi décroché respectivement 10 et 3 sièges à la Chambre.

En 1974, les deux partis réunis en cartel se tassent à 262.694 voix et en recueillent plus, ensemble, que 12 sièges à la Chambre (9 FD et 3 PLDP). Au Sénat, le cartel recueille 273.426 voix et six sièges d’élus directs (4 FDF et 2 PLDP) contre 5 FDF et 2 PLDP en 1971, auxquels s’ajouteront 3 sénateurs provinciaux (2 FDF et 1 PLDP) et un sénateur coopté ( FDF).

Divers regroupements permettent de constater que c’est essentiellement l’électorat libéral à Bruxelles qui a continué à fondre. Mais c’est surtout le FDF qui a fait les frais de cette alliance avec une fraction politique qui perd de plus en plus crédit dans l’opinion bruxelloise. Les résultats des élections suivantes, en 1977, vont d’ailleurs le prouver.

A l’occasion de ces élections de mars 1974, Antoinette Spaak, la fille de Paul-Henri Spaak, est candidate sur la liste FDF – PLDP de la Chambre, à la sixième place. Elue, elle fera ainsi son entrée au Parlement.

LE RASSEMBLEMENT WALLON AU GOUVERNEMENT

Les élections du 10 mars 1974 n’en ont pas moins confirmé l’implantation de la VolksUnie en Flandre, du Rassemblement wallon en Wallonie et du FDF à Bruxelles.

Les partis traditionnels en tiendront compte en organisant leur première ébauche de  » dialogue de communauté à communauté au Château de Ham à Steenokkerzeel, dans le Brabant flamand. Ces conversations ont pour objectif de tenter de dégager un accord communautaire. Elles n’aboutiront qu’à un résultat partiel, en ce sens que les accords qui en sortiront apparaîtront assez satisfaisants au Rassemblement Wallon dont la paternité revient à François Perin, Président de ce parti.

Pour le FDF, toutefois, cet accord gouvernemental est loin d’être satisfaisant et, sans désavouer pour autant le Rassemblement Wallon, il n’accepte pas de participer à la nouvelle coalition gouvernementale où l’on trouve réunis le PSC et le CVP et le PVV et le PLP wallon, c’est-à-dire la famille libérale, mais sans que la fraction libérale bruxelloise s’y associe.

Tout en gardant sa liberté d’action et d’appréciation, le FDF apportera néanmoins au début, un appui réservé à cette coalition.

UN PLAN NEFASTE POUR BRUXELLES

Il apparaît très vite, malheureusement, que le plan de régionalisation provisoire que Monsieur Perin, ancien président du Rassemblement Wallon a fait adopter par ce gouvernement est loin d’être favorable pour Bruxelles.

Tout d’abord parce qu’il retient comme limites provisoires de la Région bruxelloise celles de la seule agglomération formée par les dix-neuf communes. Ensuite parce qu’il introduit, pour la répartition de crédits entre les régions, une clef de répartition totalement défavorable à la Région bruxelloise : un tiers sur base de la population, un tiers sur base de la superficie et un tiers sur base du revenu fiscal, et surtout qu’il étend l’application de cette clef de répartition au fonds des communes.

Le résultat est que, progressivement, la part de Bruxelles dans le fonds des communes va se réduire en quelques années de quelque vingt à moins de dix pour cent.

Or Bruxelles Ville et les communes de l’agglomération ont des charges diverses que ne supportent pas les autres régions ni mêmes les grandes villes du pays : protection des ambassades, mobilisation fréquente de la police pour les grandes manifestations nationales ou autres qui se déroulent presque toujours dans la capitale.

Bruxelles doit en outre supporter les charges d’un double réseau d’enseignement, francophone et néerlandophone. De plus, plusieurs milliers de hauts fonctionnaires étrangers du Marché commun, de l’Otan et d’autres organisations qui habitent à Bruxelles n’y paient pas d’impôts, tout en bénéficiant des services assurés par les communes bruxelloises.

A L’HEURE DES PUTSCHS…

Mais d’autres incidents ont contribué à la dégradation des relations du FDF avec le gouvernement. Le point culminant en sera l’affaire des guichets de Schaerbeek.
Dans cette grande commune bruxelloise (110.558 habitants en fin 1977), le collège dirigé par Monsieur Nols, bourgmestre et député FDF, avait adopté depuis plusieurs années une disposition des guichets de l’Etat civil appropriés aux besoins de la population locale : quatre guichets pour les francophones, deux guichets pour les étrangers, fort nombreux dans la communes et un guichet pour les néerlandophones qui ne représentent que 12 % de la population.

Cette répartition fonctionnait parfaitement et donnait satisfaction à la population schaerbeekoise.
Mais elle irritait profondément les milieux flamingants qui venaient régulièrement d’Anvers, de Gand et d’ailleurs encore, manifester parfois avec violence dans les rues de Schaerbeek.

Sous la pression des partis flamands, le gouvernement somme Monsieur Nols de réorganiser ces guichets de manière qu’ils soient tous accessibles à tous les habitants et, par conséquent, d’en modifier les indications. Le bourgmestre et le collège de Schaerbeek refusent de s’incliner.

La résistance du bourgmestre et du collège schaerbeekois est soutenue par tout le FDF qui, le 25 mai 1976, organise un vaste cortège qui se rend de la Place Colignon, où se trouve la maison communale de Schaerbeek

jusqu’à la colonne du Congrès où, entouré des parlementaires et de nombreux autres manifestants du parti, Monsieur Nols dépose des fleurs au pied du tombeau du soldat inconnu.

Mais quelques jours plus tard, le gouvernement délègue un commissaire spécial du gouvernement à Schaerbeek, le Vicomte Ganshof Van der Mersch. Celui-ci après une première tentative vaine qui s’est heurtée au mur que forment les parlementaires et militants du FDF, réussit à s’introduire par surprise dans l’hôtel communal avec des gendarmes, le 2 juin 1976, à 4 h 45 du matin ; il fait décrocher les inscriptions des fameux guichets.

Hormis deux journaux conservateurs catholiques, toute la presse francophone s’indignera du procédé employé par le Vicomte Ganshof van der Mersch que l’hebdomadaire  » Quatre Millions Quatre  » va qualifier de  » Vicomte au pied de biche « .

LES ELECTIONS COMMUNALES DE 1976

Ces évènements précèdent d’assez près les élections communales qui vont se dérouler le 10 octobre 1976. On peut donc penser qu’ils n’ont pas été sans influence sur le choix des électeurs bruxellois.

Les élections, le FDF les a préparées par un congrès spécial, le 22 mai 1976, sur le thème :  » Prendre le pouvoir pour le rendre aux Bruxellois « .

Il en sortira les textes d’une brochure programme, que le FDF fait reproduire à un grand tirage. C’est la première fois qu’un parti politique assure ainsi la diffusion de son programme en recourant aux techniques les plus modernes, en l’occurrence celles du  » livre de poche  » dans lesquelles une imprimerie vierviétoise s’est spécialisée et s’est acquis une réputation internationale.

Le thème de la campagne, repris en couverture de cette brochure est  » On a la ville qu’on mérite « , tandis que le thème des affiches générales et personnelle des candidat est  » Bruxellois, maître chez toi « .

Nombre d’observateurs politique s’attendent à un certain tassement du FDF et les sondages, une fois de plus, le font croire.
Mais c’est le contraire qui se produit ; le 10 octobre 1976, le FDF passe de 27,33 % des suffrages bruxellois en 1970 à 33,81 % soit une progression impressionnante de 6,48 %.
Pour l’ensemble des dix-neuf communes bruxelloises alors que le total des conseillers communaux est passé de 513 à 675, celui des conseillers communaux FDF passe de 161 à 211.

Le succès est aussi marqué dans la périphérie bruxelloise, où le FDF enlève 25 sièges dans les six communes à facilités et 20 en tout dans dix autres communes.

A l’occasion de ces élections, le FDF voit se rallier à lui un certain nombre de conseillers communaux socialistes, c’est le cas, notamment, à Forest et à Schaerbeek.

A Auderghem, Etterbeek, Schaerbeek, Woluwe-Saint-Lambert et Woluwe-Saint-Pierre, il s’assure la majorité absolue des sièges.

Il obtient de nouveaux postes de bourgmestres à Auderghem, à Woluwe-Saint-Lambert et à Watermael-Boitsfort dans l’agglomération, et à Kraainem et à Linkebeek dans la périphérie. 

Il consolide ceux qu’il a déjà à Etterbeek, Schaerbeek et Woluwe-Saint-Pierre.

A Forest, une alliance très momentanée entre le PSB, le PSC et le PLP permettra la désignation d’un bourgmestre socialiste.

Mais dès l’installation du nouveau conseil communal, cet accord de majorité saute et la plupart des conseillers communaux du PSB rallient le FDF.

Si bien que la commune fût dirigée par un bourgmestre socialiste qui est isolé au sein du collège formé d’échevins FDF et d’échevins socialistes ayant rallié le FDF.

L’ECLATEMENT DU RASSEMBLEMENT WALLON

En fin de la même année, les tiraillements qui apparaissent déjà depuis plusieurs mois au sein du Rassemblement Wallon prennent une allure décisive.

Un des deux ministres du R.W., Monsieur Perin et les deux secrétaires d’Etat MM. Gol et Knoops ont, en effet, refusé de se conformer aux décisions du bureau politique de leur parti à l’occasion de l’affaire des avions. Et le 24 novembre, ne pouvant marquer leur accord sur des options progressistes que la nouvelle direction du parti a proposée, M. Perin, M. Gol et M. Knoops, suivis par plusieurs parlementaires de leur parti, quittent le Rassemblement Wallon et rejoignent le PLP wallon, qui, pour la circonstance, se transforme en PRLW (Parti des Réformes et de la Liberté de Wallonie).

Cette péripétie politique soulève un problème gouvernemental. Il sera résolu par la désignation d’un nouveau ministre R.W., Monsieur Pierre Bertrand, qui rejoindra au gouvernement, Monsieur Robert Moreau resté, lui, fidèle au Rassemblement Wallon.
Le 4 décembre suivant, réuni en congrès à Namur, le Rassemblement Wallon adoptera les résolutions qui avaient servi de prétexte au départ de MM. Perin et consorts.

Mais un nouvel incident éclate le 3 mars 1977, au niveau de la majorité gouvernementale, cette fois. Avant de voter le budget des affaires économiques, le R.W. demande le report de ce vote d’une semaine, afin de recevoir certains éclaircissements, notamment sur les projets du gouvernement à l’égard de la sidérurgie wallonne.
Ce report ayant été refusé, le R.W. s’abstient lors du vote. Et Monsieur Tindemans résout le litige à sa manière : il présente au Roi la démission des deux ministres R.W. qui ne l’ont pas donnée…

Mais le mercredi 9 mars, alors qu’il devait se présenter devant les Chambres pour s’expliquer sur ce remaniement ministériel, M. Tindemans préfère demander au Roi de signer un arrêté de dissolution des Chambres, le gouvernement prétendant continuer à assurer la plénitude de ses fonctions.

Ainsi, alors que plusieurs partis avaient tenté d’obtenir que le nouveau Parlement soit constituant, il n’en sera rien, faute d’une déclaration de révision de la Constitution préalable à cette dissolution intempestive des Chambres.

LES ELECTIONS DU 17 AVRIL 1977

Les nouvelles élections sont fixées au 17 avril 1977, date peu opportune, car elle forcera les vacanciers de Pâques, le plus souvent des familles, à rentrer un jour plus tôt pour permettre aux parents d’assumer leurs obligations électorales.
En prélude à cette campagne électorale, le FDF enregistre de nouveaux ralliements libéraux, et non des moindres, ceux notamment de Serge Moureaux, échevin d’agglomération, et de Roland Gillet, député et échevin libéral à Woluwe-Saint-Pierre, suivis de nombreux amis.

Le FDF reprend le slogan qu’il a lancé aux élections communales précédentes :

Bruxellois, maître chez toi

Il en fait le thème principal de ses affiches et l’utilise également comme titre de sa brochure programme, à nouveau reproduite à très grand tirage sous la forme d’un petit livre de poche.

Deux tracts toutes-boîtes soutiendront sa campagne électorale, l’un consacré aux problèmes économiques et sociaux, l’autre plus spécialement à une dénonciation des abus de l’Etat CVP.

Sans véritablement bouleverser l’échiquier politique, ces élections vont cependant se traduire, en Flandre, par une progression du CVP, mais principalement au détriment du PVV (les libéraux flamands) son partenaire flamand de la coalition sortante.

En Wallonie, par contre, les libéraux se renforcent grâce à l’apport de la dissidence à leur profit d’une partie du Rassemblement Wallon. Mais le PSC et même le PSB profitent également de l’éclatement du Rassemblement Wallon.

C’est celui-ci qui fait les frais de cette scission, y perdant plus de 40 % de ses électeurs, et revenant à la Chambre de 14 à 5 sièges.

Mais à Bruxelles, le FDF confirme ses résultats de 1976, aux élections communales et conquiert 10 sièges à la Chambre, avec 233.477 voix et 5 élus directs au Sénat, avec 242.397 voix.

A noter que, pour venir au secours du Rassemblement Wallon, dont les deux chefs de file liégeois, MM. Perin et Gol sont passés au PRLW (les libéraux wallons), Lucien Outers, député FDF, mais d’origine liégeoise s’est porté tête de liste du Rassemblement Wallon à Liège. L’absence de ce ténor du FDF n’a pas empêché le parti bruxellois de consolider ses positions avec une liste de candidats où sont élus trois jeunes.
Marion Banneux, Luc Bernard et Guy Brasseur, tandis qu’Albert Delperée, ancien Secrétaire général du département ministériel de la Prévoyance sociale est coopté au Sénat.

Le PSC bruxellois sauve de justesse ses quatre sièges à la Chambre tout en perdant plus de 6.000 voix. Le parti socialiste bruxellois, lui, en perd plus de 25.000 et revient de 6 à 5 sièges. Quant aux libéraux bruxellois, qui s’étaient encore assuré trois sièges grâce à leur carte avec le FDF aux élections de 1974, ils ne recueillent plus que 62.418 voix cette fois et seulement deux sièges à la Chambre.
Au Sénat, avec 69.844 voix, ils réussissent par contre, grâce à l’apparentement avec les libéraux du Brabant wallon, à sauver leurs deux sièges d’élus directs.

LE PACTE D'EGMONT

Même si la Volksunie a subi un léger tassement en sièges (mais non pas en nombre de voix), il apparaît au parti socialiste et aux sociaux-chrétiens néerlandophones (CVP) et francophones (PSC) que les deux partis communautaires de Flandre et de Bruxelles s’imposent, désormais comme un fait politique avec lequel il faut compter.

Très vite, après les élections du 17 avril, des négociations vont donc s’engager entre CVP, PSC, PSB-BSP, Volksunie et FDF, pour tenter de réaliser, enfin, un pacte communautaire.

Ces négociations prendront insensiblement le caractère d’un dialogue de communauté à communauté, plus accentué qu’en 1974, à Steenokkerzeel, mais encore freiné par le caractère unitaire du parti socialiste. Les porte-parole de l’aile francophone de ce parti, le PSC et le FDF prennent l’habitude de se retrouver côte à côte pour défendre des points de vue à peu près communs face à leurs partenaires néerlandophones du CPV, du BSP et de la Volksunie.

Il en résultera, en mai 1977, ce que l’on a appelé le Pacte d’Egmont, parce que les négociations se sont déroulées au Palais d’Egmont, à Bruxelles.

Par une rencontre assez subtile des conceptions néérlandophones et francophones, ce pacte a dégagé les deux axes d’un fédéralisme sui generis.

Un fédéralisme à deux pour les matières personnalisables et à trois pour les matières plus spécifiquement d’ordre régional.

Ainsi se dessine le visage d’une Belgique remodelée où deux assemblées communautaires pourront régler les problèmes culturels et personnalisables, tandis que trois assemblées régionales, en Flandre, en Wallonie et à Bruxelles, régleront les autres problèmes d’organisation régionale.

Plus rien ne s’oppose dès lors à ce que les partis qui ont signé ce pacte communautaire constituent ensemble le gouvernement qui va traduire les termes de cet accord en texte de loi, et, après de nouvelles élections, en nouvelles dispositions constitutionnelles.

LE FDF AU GOUVERNEMENT

C’est ainsi que, pour la première fois dans l’histoire de leur parti, le FDF et le Volksunie entrent au gouvernement. Celui-ci prête serment le 3 juin 1977. Il compte 23 ministres, dont deux FDF et deux VU et sept Secrétaires d’Etat dont un FDF et un VU.

  • Léon Defosset, député FDF et bourgmestre d’Etterbeek, y reçoit les portefeuilles des PTT ET DES Affaires bruxelloises.
  • Lucien Outers, député Rassemblement Wallon et bourgmestre FDF d’Auderghem, prend en charge le portefeuille de la Coopération au développement.
  • François Persoons, député FDF et bourgmestre de Woluwe-Saint-Pierre se voit attribuer le Secrétariat d’Etat à la Culture française.

La Volksunie obtient les portefeuilles du Commerce extérieur et de la Politique scientifique et un Secrétariat d’Etat à la Culture néerlandaise et aux Affaires sociales bruxelloises.

A l’intérieur même du gouvernement, un comité ministériel des Affaires bruxelloises (C.M.A.B.) réunit

  • Defosset, Ministre des Affaires bruxelloises,
  • H. Simonet, Ministre socialiste des Affaires étrangères et Secrétaire d’Etat à l’Economie régionale bruxelloise,
  • Vanden Boeynants, Ministre de la Défense nationale et député PSC de Bruxelles,
  • Chabert, Ministre des Communications et député CVP de Bruxelles,
  • De Wulf Secrétaire d’Etat aux Affaires économiques et aux Affaires sociales flamandes et député socialiste de Bruxelles,
  • Anciaux, Secrétaire d’Etat à la Culture néerlandaise et aux Affaires sociales flamandes et député VU de Bruxelles
  • Persoons, Secrétaire d’Etat à la Culture française et député FDF de Bruxelles

Soit quatre francophones et trois néerlandophones.

Monsieur Hoyaux, député socialiste wallon, côté francophone et Monsieur De Bondt, député CVP, côté néerlandophone, l’un et l’autre Secrétaires d’Etat à la Réforme des 
Institutions, sont chargés de préparer ensemble les textes de lois destinés à mettre le pacte communautaire en application.

LES FINASSERIES DU CVP

Le Pacte communautaire, dit Egmont est porteur de grandes espérances pour une pacification communautaire et pour de nouvelles relations, plus équilibrées, entre francophones et néerlandophones.

Ses dispositions n’apportent d’entières satisfactions ni au FDF, ni à la Volksunie, partis qui, dans leurs régions respectives à Bruxelles et en Flandre, se sont fait, pendant des années, le porte-parole des revendications de leur peuple.

Les dirigeants de ces deux partis se sont efforcés, loyalement, d’obtenir le ralliement de leurs troupes à ce pacte basé sur un compromis entre des thèses qui, au départ, s’opposaient de ce pacte, une attitude loyale pour en assurer le respect.

Contre toute attente, c’est du côté du CVP, en la personne de M. de Bondt, que l’on va commencer à ergoter sur les interprétations à donner aux différentes dispositions du pacte d’Egmont.

Il apparaît ainsi que les textes d’applications élaborés par M. Hoyaux et M. de Bondt ne concordent pas sur de nombreux points. Il faudra donc de nouvelles négociations entre délégations des partis signataires, pour mettre au point ces dispositions.

L’accord qui résultera de ces nouvelles négociations prendra le nom d’accord du Stuyvenberg, car c’est au Château du Stuyvenberg, cette fois, que ces négociations interminables se dérouleront de novembre 1977 à février 1978.

Cet accord fera l’objet d’une nouvelle déclaration gouvernementale le 28 février 1978. On pouvait penser, dès lors, que tout était en ordre et qu’il n’allait plus rester à la majorité parlementaire qu’à voter la loi d’application des accords du Stuyvenberg.

C’était, encore une fois, sans compter sur les finasseries du CVP. En effet, la mise au point du texte de cette loi, au sein du gouvernement, va se heurter à de nouvelles difficultés, qui, chaque fois, continuent à provenir des membres du CVP du gouvernement. Cette fois, il apparaît que le Premier ministre lui-même joue le rôle de frein.

Finalement, pourtant, après bien des péripéties nouvelles et des arbitrages des présidents des six partis de la coalition, le texte sera enfin mis au point au soir du 5 juillet 1978. Il forme le projet de loi 461 que le gouvernement soumet à une commission spéciale de la Chambre.

LES ''SCRUPULES CONSTITUTIONNELS'' DU CVP

Mais, dès le 26 juillet, des difficultés apparaissent à la suite de réserves formulées par le Conseil d’Etat. Celui-ci considère, notamment, que le droit d’inscription ne serait pas conforme à la Constitution actuelle.

Il s’agit en l’occurrence d’une disposition du projet 461 qui vise à permettre aux francophones des six communes à facilités et de dix autres communautés ou quartiers de communes de la périphérie de faire élection de domicile dans une des communes de l’agglomération bruxelloise afin de pouvoir ainsi, à la fois, voter dans l’arrondissement électoral de Bruxelles-Capitale (lorsque celui-ci sera séparé de l’arrondissement de Hal-Vilvorde) et bénéficier de facilités linguistiques en matière administrative, fiscale et judiciaire.

Début août, le Premier ministre fait savoir que le gouvernement n’estime pas devoir prendre en considération les réserves du Conseil d’Etat. Mais, au début septembre, lorsque la Commission reprend ses travaux, de nouvelles difficultés surgissent, et le 11 octobre, c’est l’éclat à la Chambre.

Pressé successivement par M. Cools, président du Parti socialistes, M. Nothomb, président du Parti Social Chrétien, M. Havelange, chef du groupe du FDF à la Chambre, et M. Schiltz, président de la Volksunie, de définir sans équivoque la position du gouvernement quant aux nouvelles réserves du CVP, M. Tindemans prend la mouche.

Il monte à la tribune de la Chambre et, après avoir déclaré que le gouvernement soutient le texte du projet des réformes institutionnelles, il ajoute qu’il n’entend ni poser la question de confiance (pour ne pas faire apparaître la division du CPV), ni plier au chantage.

Et d’annoncer qu’il va, dès lors, immédiatement, présenter au Roi la démission de son gouvernement. Ceci, sans que les membres du gouvernement se soient concertés ente eux. C’est la crise, et elle sera de très longue durée.

Certes, dès le 20 octobre, le gouvernement est reconstitué avec les mêmes personnes, sauf M. Tindemans, sous la direction de M. Vanden Boyenants. Mais, ainsi replâtré, ce gouvernement s’est assigné pour seule mission de préparer et de faire voter par le parlement une déclaration de révision de la Constitution, puis de dissoudre les Chambres.

Ce sera chose faire dès le 14 novembre suivant et les chambres sont dissoutes. 
Les nouvelles élections sont fixées au 17 décembre, à quelques jours seulement des fêtes de fin d’année.

Le début de cette campagne sera marquée par un événement politique important : la signature, le 16 novembre, d’une déclaration commune par les présidents des trois partis francophones de la majorité sortante : le PSB, le PSC, le FDF ; déclaration qui présente les mesures que les trois partis préconisent comme base d’accord pour la formation d’un nouveau gouvernement après les élections :





En voici le texte :

Déclaration commune

La pacification communautaire est nécessaire pour que l’Etat soit gouverné.

Soucieux de contribuer à cette pacification, les partis francophones signataires de la présente déclaration entendent réaffirmer leur solidarité et leur loyauté dans le dialogue entre Communautés.

Des structures rénovées au niveau national, régional et communautaire doivent en outre contribuer à relever le défi de la crise économique et sociale.

Les partis signataires rappellent que, par fidélité à la parole donnée, ils étaient prêts à voter le projet de loi mettant en œuvre le régime transitoire de la régionalisation, malgré les concessions qui résultaient des négociations d’Egmont et du Stuyvenberg.

Ils réprouvent les manœuvres et prétextes qui ont mené à l’échec de cette première étape de restructuration de l’Etat.

Au lendemain du 17 décembre, des accords devront être renouvelés.

Les partis signataires préconisent les mesures suivantes :

  • Dès sa formation, la structure du prochain gouvernement sera adaptée à la nouvelle répartition des compétences entre l’Etat, les Communautés et les Régions. Cela permettra de poursuivre le transfert des budgets et d’entamer immédiatement le transfert des administrations concernées vers les Communautés et les Régions. Les organisations représentatives des agents des services publics seront consultés pour tout ce qui les concerne.
  • La révision de la Constitution, de même que les lois d’application, devront être votées par les futures Chambres législatives dans le respect de l’équilibre et des principes fixés par le Pacte communautaire et Régional. Cela n’exclut pas des améliorations recueillant l’adhésion de chacune des Communautés. Cette révision et ces lois ne pourront être votées que par une majorité dans chaque Communauté et dans chaque Région.
  • Toute remise en cause par les interlocuteurs flamands de l’équilibre des accords conclu amène les partis signataires à faire valoir leurs revendications et notamment :
    La parité sans exception au Conseil des Ministres ainsi qu’au niveau des Secrétaires d’Etat.
    Des compétences régionales plus complètes :
    maintien des compétences octroyées à la Région par la loi du 1er août 1974 et notamment les matières personnalisables ;
    en matière d’eau, maîtrise complète de la Région sur la politique de l’Eau, investissements, politique portuaire et les  barrages ;
    en matière d’aménagement du territoire, maîtrise de la Région sur la politique des transports en commun et sur le tourisme ;
    en matière d’expansion économique régionale, participation accrue de la Région :
    • à la politique des institutions publiques d’épargne et de crédit (dont l’organisation interne tiendra compte des nouvelles réalités institutionnelles).
    • à la politique de transport et de distribution de l’énergie ;
    • à la politique de recherche appliquée (la recherche fondamentale étant communautarisée, tout en assurant la poursuite des programmes concertés au niveau national, européen et international).
    • rôle accru des Régions en matière de relations internationales.
  • Une définition des compétences de l’Etat, des Communautés et des Régions plus précise que celle contenu dans l’exposé des Motifs du projet 461, ce qui permettra d’éviter les conflits entre les différents pouvoirs.
  • Une amélioration du fonctionnement des exécutifs régionaux. Le fonctionnement des exécutifs régionaux sera calqué sur celui du gouvernement central. Les mécanismes de blocage de l’exécutif régional seront supprimés.
  • Une révision du statut des Fourons.

En ce qui concerne Bruxelles et sa périphérie, les partis signataires s’en tiendront à sept principes :

  1. La Région de Bruxelles devra être dotée des mêmes institutions que les deux autres Régions. Elle aura les mêmes pouvoirs, les mêmes compétences et les mêmes moyens d’action et, à tous égards, l’organisation régionale devra être adoptée à la majorité définie à l’article 107quater.
  2. Les garanties à accorder à la minorité flamande dans le fonctionnement des institutions bruxelloises ne pourront en aucun cas conduite à un blocage des institutions.
  3. Pour tenir compte des dépenses spéciales aux communes de la Région bruxelloise en raison de sa mission nationale et internationale, et des charges financières résultant du bilinguisme des services, une dotation particulière doit être prévue : le montant doit en être fixé dans la déclaration gouvernementale, sur base de données objectives.
  4. Le régime linguistique aux administrations de la Région de Bruxelles sera inspiré du double principe : bilinguisme des services et unilinguisme individuel, sauf exceptions exigées par la nature de la fonction.
  5. Aucune fusion de communes bruxelloises ni aucune modification de leurs limites ne pourra être décidée que de l’avis conforme du pouvoir régional.
  6. Dans celles des communes de la périphérie qui ne feraient pas parties de la Région bruxelloise, il doit être reconnu aux habitants qui le désirent la possibilité d’affirmer leur appartenance à la Région bruxelloise (régime linguistique en matière fiscale, administrative et judiciaire, et droit de participer aux élections régionales, législatives et européennes), ainsi que leur appartenance à la Communauté française (application des décrets et arrêtés et droit aux subsides).
  7. Si, dans les communes bruxelloises, des garanties doivent être prévues pour protéger la minorité flamande contre toute discrimination, ces garanties ne pourront avoir pour effet d’entraver l’exercice du pouvoir communal. Elles devront avoir leur équivalent dans les communes périphériques.

Les partis signataires souhaitent que toutes les forces politiques francophones souscrivent aux principes de la présente déclaration.

Pour le PS Pour le PSC Pour le FDF
André Cools Ch.-Ferdinand Nothomb Antoinette SPAAK

Cette fois, le FDF prend pour slogan de sa campagne le thème La liberté d’être Bruxellois, thème qui se retrouve sur nos affiches comme sur la couverture de sa brochure programme, à nouveau présentée en petit livre de poche largement diffusé.

Il soutiendra en outre sa campagne par la distribution en toutes-boîtes de quatre tracts hebdomadaires, tracts pour lesquels est repris le titre d’une ancienne publication hebdomadaire du parti : Bruxelles – Vérité.

Notons aussi, en début novembre, deux nouveaux ralliements appréciables : ceux de Basile Risopoulos, député libéral, qui figurera à la 7ème place sur la liste des candidats FDF pour la Chambre, et sera élu sans problèmes, et de Jean-Pierre Poupko, libéral lui aussi, et président de la Commission française de la Culture de l’Agglomération de Bruxelles.

Deux ralliements qui vont certainement contribuer à faire basculer un nouveau nombre de voix libérales au FDF.

LES ELECTIONS DU 17 DECEMBRE 1978

Malgré sa participation au gouvernement, qui entraîne souvent ce que les spécialistes des analyses électorales appellent l’usure du pouvoir, malgré les risques qu’il a pris en faisant sa part de concessions dans le pacte communautaire, le FDF va sortir encore renforcé de ces nouvelles élections.

Il passe de 27,70 % à 27,97 % des suffrages de l’arrondissement de Bruxelles pour la Chambre 11, de 28,80 % à 29,02 % pour le Sénat et de 29,65 à 29,74 % pour la Province.
Mieux, il réunit plus de voix à lui tout seul que les trois autres listes francophones ensemble : 50,69 % à la Chambre, 53,60 % au Sénat et 54,44 % à la Province.

Ce remarquable succès lui permet de décrocher un onzième siège de député et de passer de cinq à six élus directs au Sénat, auxquels viendront encore s’ajouter deux sénateurs provinciaux et un sénateur coopté. Il a, de surcroît, la possibilité de faire élire un sénateur provincial et un sénateur coopté du Rassemblement Wallon.

C’est principalement au détriment du parti libéral bruxellois que se réalise cette nouvelle progression du FDF. Les libéraux, en effet, ont perdu le tiers de leurs voix et n’enlèvent plus qu’un seul siège de député et un siège de sénateur.

Les socialistes, qui avaient déjà essuyé de grosses pertes en 1977 par rapport à 1974, perdent plus de 12.000 voix à la Chambre, un peu moins de 14.000 au Sénat et de 12.000 à la Province. Ceci, toujours pour l’arrondissement électoral de Bruxelles-Hal-Vilvorde.

Le PSC, lui, se maintient à la Chambre où il bénéficie de la présence en tête de sa liste de M. Vanden Boeynants, auréolé par son retour à la tête du gouvernement. Mais au Sénat, il est en perte de plus de 7.000 voix et à la Province de plus de 9.000 voix.

L’apparition d’une liste d’indépendants mécontents de la fiscalité (UDRT) et de deux listes d’écologistes n’a donc pas empêché le FDF, non seulement de se maintenir, mais même de se renforcer alors que, tous les autres partis francophones en lutte à Bruxelles ont essuyé des revers.

En Région flamande, la Volksunie subit un recul très net en partie au profit du PVV qui gagne près de 100.000 voix et retrouve ainsi ses voix perdues en 1977, et en partie, au profit d’une nouvelle liste de nationalistes flamandes, le Vlaams Blok qui a fait son apparition sur sa droite et recueille un peu plus de 76.000 voix.

En Wallonie, malgré qu’il ait été dans l’opposition depuis mai 1977, le PRLW perd de nombreuses voix (plus de 40.000), tandis que le parti socialiste subit un certain tassement (recul de 675.730 à 632.689 voix).
Le PSC enregistre un léger progrès (de 447.782 à 464.355 voix), tandis que le Rassemblement Wallon se maintient virtuellement (158.563 voix contre 164.211) avec un certain progrès dans la Province de Liège et de légers tassements ailleurs.

C’est dire que, dans l’ensemble, les élections du 17 décembre 1978 n’ont pas bouleversé l’échiquier parlementaire.

La responsabilité de l’ancien Premier ministre, Monsieur Tindemans, n’en est que plus grande d’avoir, délibérément, en octobre 1978, plongé le pays dans cette nouvelle crise alors qu’une majorité de néerlandophones et de francophones, de Flamands, de Wallons et de Bruxellois étaient sur le point de réaliser ensemble la pacification communautaire.

LA PLUS LONGUE CRISE

C’est si vrai qu’après cette crise provoquée par le CVP, il ne faudra pas moins de quatre mois, à quelques jours près, depuis les élections du 17 décembre 1978, pour qu’une nouvelle majorité gouvernementale puisse enfin se constituer.

C’est que, d’une part, attisées par quelques irresponsables, au CVP et dans la presse flamande, les passions n’ont cessé d’être exacerbées dans l’opinion flamande, et que, d’autre part, le Front francophone formé par le parti socialiste, le PSC et le FDF à quelques semaines des élections de décembre tient bon. Pour la première fois, depuis plus de quinze ans, les politiciens flamands vont trouver, en face d’eux, des interlocuteurs francophones, Wallons et Bruxellois, unis et décidés à s’opposer jusqu’au bout à l’intransigeance flamingante.

Le 21 décembre 1978, M. Willy Claes, ministre socialiste des Affaires économiques dans le gouvernement démissionnaire est chargé d’une mission d’information. Au terme de celle-ci, M. Wilfried Martens, président du CVP, est désigné comme formateur le 8 janvier 1979. Mais il échouera après plus de quatre semaines de négociations.

Pour tenter de débloquer la situation, le Roi désigne alors deux médiateurs, le 14 février 1979, le même Willy Claes et Charles-Ferdinand Nothomb, président du PSC. Après une dizaine de jours, ils échoueront à leur tour.

Une des principales difficultés auxquelles se heurtent successivement informateur, formateur et médiateurs, est le refus de deux partis flamands, le CVP et le BSP, d’admettre le FDF à la table des négociations et, par conséquent, dans le nouveau gouvernement, sans la Volksunie.

Cette exclusive, répétée avec hargne par certains éditorialistes flamands se heurte à l’unité du front francophone et, plus particulièrement, à la fermeté d’André Cools, président du parti socialiste, qui répète inlassablement que la nouvelle majorité gouvernementale doit s’appuyer sur les forces les plus représentatives des trois régions, et, par conséquent, sur le FDF, premier parti bruxellois.

Lorsque le 5 mars 1979, le Roi fait appel à Paul Vanden Boeynants comme nouveau formateur, celui-ci réussit cependant assez rapidement à faire entendre aux deux présidents flamands que s’ils maintiennent leur exclusive, il y a gros risque qu’aucune solution ne soit possible. La situation se débloquant enfin sur ce plan, un accord peut se réaliser en fin mars, entre le CVP et le BSP, côté flamand, et le PSB, le PS et le FDF, côté francophone.

Et c’est ainsi qu’en s’appuyant sur ces cinq partis, Monsieur Martens, président du CVP, peut enfin former un nouveau gouvernement, le mardi 3 avril 1979.

Le FDF y conserve ses deux ministres, Léon Defosset, aux Affaires bruxelloises et Lucien Outers au Commerce extérieur et à la Politique Scientifique, tandis que François Persoons reste Secrétaire d’Etat à la Culture française.

UN NOUVEAU DIKTAT DU CVP

Pour quelques mois seulement. En effet, si le Premier Ministre continue à proposer, c’est, de plus en plus, le CVP qui dispose. Et, sur ce plan, son congrès du 16 décembre 1979 sera déterminant. En effet, sous la pression de ses ultras, le Congrès adopte à cette occasion une série de motions qui remettent radicalement en cause l’accord gouvernemental que ce même CVP avait pourtant signé quelques mois plus tôt :

Il refuse d’admettre l’équivalence entre l’ordonnance (la loi régionale), d’une part, et le décret (loi communautaire) et la loi nationale de l’autre. Autrement dit, il rejette la portée des accords précédents qui donnaient la même valeur de loi (pour les régions ou communautés respectives) à l’ordonnance régionale, au décret communautaire et à la loi ;

Il réclame la fusion arbitraire de toutes les communes bruxelloises en une seule entité ;

Il exige la parité au sein de l’exécutif régional bruxellois (gouvernement de la région), ce qui reviendrait à décréter qu’une voix flamande (15 % des Bruxellois) vaudrait quatre voix francophones (85 % des Bruxellois).

Pour complaire à son parti, Wilfried Martens, Premier Ministre, proposa quelques menues modifications à l’accord gouvernemental… Cela, dans un déséquilibre de concessions qui faisait étrangement penser à la fabrication du pâté d’alouette : un cheval de concessions en faveur du CVP, une alouette en faveur des francophones…

PARADE FRANCOPHONE

Fidèles, dans un premier temps, au pacte des francophones, le PS et le PSC se solidarisèrent avec le FDF pour refuser un tel marché de dupes.

Infatigable, et rarement à court d’imagination, le Premier Ministre élabore alors un nouveau compromis où les concessions paraissaient un peu mieux équilibrées. Mais on y retrouvait encore un dispositif soumettant l’ordonnance régionale à la censure du Parlement national où les néerlandophones sont majoritaires.

Pour contourner cet écueil, le FDF proposa alors à ses partenaires francophones de la majorité un pacte dans lequel ils se seraient engagés à tirer ensemble la  » sonnette d’alarme  » au cas où les intérêts des francophones auraient été menacés. Il faut savoir que l’article 38bis de la Constitution prévoit qu’une motion motivée, signée par les trois quarts au moins des membres d’un des groupes linguistiques du Parlement permet de déclarer que les dispositions de tel projet ou proposition de loi sont de nature à porter gravement atteinte aux relations entre les Communautés.

Dans ce cas, la procédure est suspendue et la motion est examinée au Conseil des Ministres.

Celui-ci, dès lors, donne son avis motivé sur cette motion et invite les Chambres à se prononcer soit sur cet avis, soit sur le projet ou la proposition de loi éventuellement amendé.

S’inspirant de cette disposition, le FDF proposa à ses deux partenaires francophones du gouvernement (socialistes et sociaux-chrétiens) de signer un engagement commun suivant lequel ils feraient jouer automatiquement la solidarité des francophones (par utilisation de cet article 38bis) lorsqu’une proposition ou un projet de loi porterait atteinte aux droits jugés essentiels par les trois quarts des membres de l’assemblée wallonne ou des membres francophones de l’assemblée bruxelloise.

C’était une manière très habile d’empêcher que la hargne du CVP contre Bruxelles se traduise par une annulation systématique de toutes les ordonnances bruxelloises par le Parlement national où les Flamands sont majoritaires.

REVOQUES PARCE QUE FIDELES

D’où grosse fureur des éditorialistes de la presse flamande et des rabiques du CVP, Monsieur Tindemans en tête.

Et une fois de plus, Wilfried Martens, Premier Ministre, céda en élaborant avec quelques acolytes une déclaration qui vidait l’engagement des trois partis francophones de toute sa substance.

Le FDF, bien entendu, par la voix de Léon Defosset, refusa tout net de signer une telle déclaration. Mais le parti socialiste et le PSC s’inclinèrent. Une fois de plus.

Wilfried Martens, suivant en cela les détestables précédents introduits par Léo Tindemans résolut le problème en allant porter au Roi la démission des ministres FDF alors que ceux-ci ne l’avaient pas donnée…

Ainsi, les ministres FDF ont été scandaleusement révoqués parce qu’ils entendaient rester fidèles à la déclaration gouvernementale.

LA REGIONALISATION TRONQUEE DE 1980

S’étant débarrassés du FDF, sociaux-chrétiens et socialistes flamands et francophones se sont alliés aux libéraux flamands et francophones pour mettre au point deux projets de régionalisation au profit des régions flamande et wallonne, mais qui, contrairement à l’esprit de la Constitution (article 107quater) ne règle pas le statut de Bruxelles dans le cadre de cette régionalisation.

Les parlementaires FDF, tant à la Chambre qu’au Sénat, ont mené une lutte acharnée contre ces projets. Votés malgré tout dans les deux Chambres, ils sont devenus les lois du 8 août 1980, dite Loi spéciale de réformes institutionnelles et du 9 août 1980, dite Loi ordinaire de réformes institutionnelles.

Estiment que ces lois contiennent des discriminations nombreuses et essentielles dont la région de Bruxelles fait l’objet, un groupe de parlementaires du FDF et du RW ont introduit ensemble un recours contre ces lois auprès de la Commission européenne des Droits de l’Homme.

Ce recours se fonde principalement sur les éléments suivants :

La loi organise les Conseils et les Exécutifs des seules régions flamande et wallonne, leur octroie la personnalité juridique, leur transfère sans indemnité une partie du patrimoine de l’Etat, sans que rien ne soit prévu pour la région de Bruxelles.

Le système mis en place par la loi subordonne à une condition de langue l’appartenance au corps législatif de la région flamande en excluant ainsi les parlementaires régulièrement élus dans cette région et domiciliés dans celle-ci, mais qui relèvent de la communauté linguistique française (c’est le cas de Lucienne Mathieu-Mohin, sénateur FDF, domiciliée à Vilvorde, et de Georges Clerfayt, député FDF, domicilié à Rhode-Saint-Genèse).

Mais, par contre, la loi donne aux élus flamands domiciliés dans la région de Bruxelles le droit d’assister et de participer avec voix consultative à la confection des décrets en région flamande, droit qui ne trouve aucun corollaire pour les élus de langue française domiciliés dans la même région.

Enfin, d’une façon générale, le système légal conduit à confier une partie du pouvoir législatif et du contrôle budgétaire pour les régions flamande et wallonne à leurs conseils respectifs, mais à maintenir celui relatif aux mêmes matières pour la région de Bruxelles à l’ensemble des élus de toutes les régions, rompant ainsi l’équilibre dans la composition des assemblées démocratiques.

Ce recours a été régulièrement enregistré le 5 février 1981 par la Commission européenne des Droits de l’Homme. Il se justifie par l’absence dans le système institutionnel belge d’une juridiction qui pourrait être saisie d’une violation du droit constitutionnel ou international par le législateur.

Mais il faudra sans doute encore un certain temps avant que la Commission ne se prononce.

NOUVEAU RAPPROCHEMENT ENTRE LE FDF ET LE RW

De 1974 à 1977, le Rassemblement Wallon avait siégé au gouvernement, alors que le FDF restait dans l’opposition. De 1977 à 1980, ce fut l’inverse : le FDF siégea au gouvernement alors que le RW était dans l’opposition.

Cette situation ambiguë provoqua un certain distanciement entre les deux formations.

Le retour du FDF dans l’opposition, aux côtés du RW a largement contribué à un nouveau rapprochement entre les deux formations, rapprochement qui s’est concrétisé en janvier 1981, par l’adoption par les deux formations d’une note commune sur le plan institutionnel, note qui constitue le point de départ d’une alliance beaucoup plus étroite entre le FDF et le RW.

On en trouvera le texte ci-après :

AU PLAN INSTITUTIONNEL

(Note commune adoptée par le RW le 17 janvier 1981 et par le FDF le 19 janvier 1981).

L’Etat belge, que le nationalisme flamand a investi et accaparé, étrangle la Wallonie et Bruxelles dans tous les domaines. Sa gestion, aussi incompétente que partisane, conduit nos régions à la ruine.

Loin de rétablir un équilibre depuis longtemps compromis, la récente réforme des institutions (août 1980) consacre l’hégémonie définitive de la Flandre, livre Bruxelles à sa conquête et contraint la Wallonie à l’abdication de ses droits naturels.

Cette réforme marque ainsi la fin d’une époque. Notre action, dans les années 1960-1980, reposait sur l’espoir de remanier la Belgique par la voie d’un fédéralisme progressif et négocié, voire d’un régionalisme à petits pas. L’expérience a démontré qu’il s’agissait d’un leurre. La responsabilité en incombe au CVP et au nationalisme flamand. Tandis que les partis fédéralistes restaient fidèles aux accords conclu, le CVP reniant sa parole, a délibérément déchiré le Pacte d’Egmont en octobre 1978. L’intransigeance flamingante, non moins que le calcul électoral ont guidé sa conduite. Son coup de force a relancé, entre tous les partis flamands, une surenchère nationaliste. Cette radicalisation a pesé sur les négociations ultérieures, poussant les partis francophones traditionnels à des reculs successifs jusqu’à la capitulation du mois d’août 1980.

Un tel échec qui réserve un avenir désastreux à la Wallonie et à Bruxelles impose un changement radical d’objectif stratégique. Nos deux régions se trouvent en état de légitime défense.

L’autonomie constitue désormais la seule solution qui puisse faire échapper Bruxelles et la Wallonie au désastre. Plusieurs formules d’autonomie sont concevables. Il appartiendra aux Wallons et aux Bruxellois eux-mêmes de décider du choix de ces formules. Il appartiendra également, aux uns et aux autres, de déterminer quel genre de rapports devra s’établir entre la Wallonie et Bruxelles.

Les affinités qui rapprochent la Wallonie et Bruxelles, ainsi que l’intérêt qu’elles trouveraient à conjuguer leurs efforts pour assurer leur émancipation et leur développement, indiquent comme souhaitable une collaboration solidaire entre la Wallonie et Bruxelles. Dans cette perspective, si un accord d’association était conclu entre les deux régions, il devrait consacrer l’autonomie fondamentale de la Wallonie et de Bruxelles, leur droit à régir tout ce qui les concerne et d’établir la liste des matières qu’elles jugeraient opportun de déléguer à une autorité commune.

Ce n’est qu’une fois leur autonomie assurée que la Wallonie et Bruxelles seraient en mesure de se concerter avec la Flandre sur un pied d’égalité. Toute autre méthode, en effet, aboutit fatalement à s’incliner devant la volonté de la Flandre majoritaire, même dans les cas où elle viole ses engagements solennels ce qui a été prouvé à plusieurs reprises. L’ultime moyen de maintenir une forme d’Etat belge dépend de la possibilité de restructurer l’ensemble par la base.  

C’est au départ de leur pleine reconnaissance que la Flandre, Bruxelles et la Wallonie auraient la possibilité d’entrer librement en dialogue, en se donnant une chance de négocier et de conclure une association conforme à leurs intérêts respectifs. Il va de soi que toute formule de solution devrait recueillir une large approbation populaire, si l’on veut qu’elle soit stable et viable. Un référendum sera prévu à cet égard.

Le FDF et le RW estiment qu’un pacte éventuel avec la Flandre devrait répondre à tout le moins aux conditions suivantes :

  • le principe de l’autonomie interdit qu’une région puisse imposer sa volonté à aucune des deux autres, dans aucun domaine, par la traduction en majorité politique du poids de sa population ;
  • la limite des régions sera déterminée en fonction du vœu exprimé par les populations des lieux contestés, et le régime des minorités sera fixé selon les règles de la réciprocité et de l’égalité des critères ;
  • la Flandre, Bruxelles et la Wallonie pourront accéder directement au niveau des relations internationales, pour toutes les matières qu’elles auront réservées à leur compétence exclusive et dans les cas où elles l’estimeraient nécessaire en raison d’un intérêt vital.

La position du RW et du FDF ne s’inspire pas de considération purement linguistiques ou communautaires, mais de réalités économiques et sociales durement ressenties.

L’Etat belge, dans ses interventions, défavorise systématiquement Bruxelles et la Wallonie. Il empêche nos régions de faire démocratiquement leurs choix de sociétés en leur appliquant le modèle qui convient à la Flandre, et au CVP en particulier. Il leur interdit tout effort d’imagination politique à un moment où cet effort s’avère d’autant plus indispensable que la crise fait apparaître que certaines mutations sont irréversibles, que le plein emploi ne reviendra pas spontanément et qu’il convient d’apporter des solutions originales à des problèmes qui se présentent sous un aspect nouveau.

C’est pourquoi, le FDF et le RW, tout en gardant leur personnalité distincte et leur programme propre, décident de se présenter ensemble aux élections car ils sont convaincus de la nécessité de créer une force politique de résistance et de libération, capable d’exercer une pression décisive sur les partis francophones traditionnellement portés à la capitulation et d’arracher la Wallonie et Bruxelles à la domination que la Flandre exerce à leur détriment par le truchement de l’Etat belge.

Le FDF et le RW conviennent qu’ils ne participeront désormais à aucun gouvernement ni à aucun Exécutif communautaire l’un sans l’autre, sauf autorisation expresse de chaque des partis. Dans le respect du principe de l’autonomie des deux partis, en fonction de leur compétence régionale spécifique, le FDF et le RW développeront les moyens d’assurer le succès de leur combat solidaire pour la libération de leurs régions et de leur Communauté.

L'AVENIR DE BRUXELLES EST ENTRE NOS MAINS

Comme l’a signalé un jour François Persoons, le FDF est une sorte de miracle de la volonté. Il est parti d’un profond instinct populaire d’un certain nombre d’habitants de la région bruxelloise qui avaient perçu la menace qui pesait sur eux et l’impossibilité pour les représentants bruxellois d’y faire face à l’intérieur des partis traditionnels.

En dix-sept ans, de 1964 à 1981, il s’est hissé au premier rang des partis bruxellois.

Aux dernières élections législatives, celles de décembre 1978, il a rassemblé un peu plus de la moitié des voix des francophones bruxellois et s’est confirmé comme le premier parti de Bruxelles et son porte-parole le plus qualifié.

L’histoire politique de ces dix-sept dernières années a prouvé qu’il était le seul parti à pouvoir réellement assurer la défense des Bruxellois contre les menaces qui pèsent sur eux.

Dans les communes où il est au pouvoir, il a su traduire dans les actes les principes au nom desquels il s’est présenté à l’électorat de Bruxelles.

Mais la lutte est loin d’être finie, et la bataille pour le salut de Bruxelles loin d’être gagnée.

Il importe que chaque membre du parti en prenne conscience et que l’action de chacun, à la place où il se trouve, défende l’avenir de Bruxelles.

Chacun doit se sentir mobilisé pour participer à ce combat. Notamment en s’efforçant d’amener au FDF de nouveaux membres et, surtout, de nouveaux électeurs.

Ce n’est que par de nouveaux succès électoraux que le FDF pourra empêcher que, demain, Bruxelles devienne une sorte de colonie flamande où les citoyens seront dépossédés d’une partie de leurs droits les plus élémentaires.

Bruxelles ne survivra dans la liberté, la dignité, la justice et la plénitude de ses droits que si les Bruxellois eux-mêmes le veulent réellement.

Paul Debongnie, 30 avril 1981