Pendant le confinement, le travail parlementaire continue. Ce mardi, François De Smet a présenté en commission de l’intérieur une proposition de résolution, signée avec Sophie Rohonyi, demandant la création d’une Agence Fédérale de Renseignements, qui fusionnerait la Sûreté de l’Etat et la cellule antiterroriste de la police fédérale.
En ces temps de menace terroriste renouvelée, en effet, il est temps de se demander si, comme cela est souvent le cas dans notre pays, la dispersion des moyens n’est pas un frein à l’efficacité.
Il y a deux acteurs principaux compétents en matière de fournitures de renseignements dans le cadre de la lutte anti-terroriste :
- La sûreté de l’Etat qui dispose d’une mission très claire, à savoir recueillir des informations sur les activités terroristes et sur les agissements portant atteinte aux intérêts extérieurs et à la sécurité intérieure.
- La cellule antiterroriste de la police fédérale (nommée aussi “DR3”) fournit une expertise et un appui aux directions déconcentrées de la police judiciaire fédérale, ainsi qu’aux partenaires internes et externes, en enquêtant sur des actes terroristes.
Selon nous, il convient d’avoir un seul opérateur principal, réunissant la Sûreté de l’État et la DR3 dans ses missions de renseignement, pour la récolte, le traitement et la coordination de toutes les informations détenues par nos services de renseignement.
Une telle fusion de ces services augmenterait de facto non seulement notre vitesse de réaction face à l’imminence d’une menace d’attentat terroriste mais également l’efficacité des enquêtes pour faits de terrorisme.
Cette fusion nous paraît nécessaire pour 4 raisons :
- Le défaut de coordination entre nos services de renseignements et la police fédérale dans la collecte et le traitement des informations. Ce défaut a été souligné dans les derniers rapports du Comité R, l’organe qui contrôle l’activité et l’efficacité de ces services, ainsi que dans le rapport de la commission d’enquête parlementaire “Attentats terroristes”.
- La mauvaise circulation de l’information au sein de la police fédéraleDepuis 2013, le Comité permanent de contrôle des services de police critique l’échange de données au sein de la police concernant le terrorisme, le radicalisme et l’extrémisme. D’après un rapport de 2013, « aucune instance compétente n’est à même de fournir une cartographie exacte (de la multitude) des banques de données dans lesquelles des informations en matière de terrorisme et d’extrémisme sont/seraient traitées au sein de la police. Il n’existe pas non plus de monitoring ».
- Le profil des auteurs des attentats. Les auteurs des attentats de 2015 et 2016 avaient souvent le même profil : ils avaient des antécédents judiciaires pour des faits de droit commun et se sont radicalisés, ils étaient connus de services de police et, mis à part l’auteur des attentats de Nice, ils ont tous à un moment donné été dans les radars des services pour finalement ne plus être suivis.
- La faiblesse des moyens humains et opérationnels alloués aux services de renseignement et à la DR3. La menace terroriste a pris une telle ampleur que les moyens alloués actuellement à nos services ne leur permettent plus d’assurer la charge de travail qui est la leur, constat qui a déjà été dressé par l’administrateur général de la Sûreté de l’État en 2004 alors que la menace a fortement évolué depuis.
Les services de renseignement se trouvent en outre confrontés à la difficulté de recruter du personnel possédant des connaissances linguistiques et culturelles pointues.
Nous savons que la lutte contre le terrorisme est une question de moyens. Le nouveau gouvernement a affiché des ambitions en la matière et on peut le saluer. Mais c’est aussi une question d‘organisation. On ne peut pas tout résoudre avec de l’argent. Il faut oser se poser la question de l’organisation.
Nous pensons que notre pays est coutumier d’une certaine dispersion des moyens. Ici, la résolution propose au gouvernement d’unifier les talents existant dans une seule agence de renseignements.
Cela nous paraît de bon sens.
Cela nous paraît au minimum de nature à ouvrir cette réflexion dans un contexte où la menace terroriste, hélas, est toujours présente.