Ce mercredi 19 mai, François De Smet, président de DéFI et député fédéral, était interviewé par Le Soir sur la condamnation de la STIB pour discrimination vis-à-vis d’une candidate voilée qui s’est présentée à un recrutement.
Une grand discussion sur la neutralité et la laïcité
Comme notre Président l’avait expliqué sur le plateau de CQFD quelques jours auparavant, il estime indispensable que la Stib aille en appel de sa condamnation pour discrimination d’une femme voilée. Et plaide pour l’ouverture d’un grand débat, au fédéral, sur ces questions. « Si la STIB ne fait pas appel de la décision, le fait que le premier employeur de la Région bruxelloise est coupable de discrimination et de racisme va se trouver coulé en force de chose jugée. Par principe, la Stib ne peut pas laisser une marque aussi infamante et doit aller en appel. Et nous, nous estimons que la neutralité n’est pas discriminatoire. Je n’ai aucun problème à ce que des femmes voilées travaillent dans le privé. Mais un service public, c’est différent, vous y incarnez une prestation pour la population et une image. Nous sommes donc opposés au port de signes ostentatoires dans les administrations et les écoles. » François De Smet pointe également le débat front/back office qui est actuellement au coeur des discussions : « Je suis sceptique sur ces clivages. D’abord cela relève d’une certaine hypocrisie. Je ne vois pas comment faire la différence… Cachez ce foulard que je ne veux pas voir ? Non ! Soit on assume que tous les signes ostentatoires sont interdits pendant les horaires de travail, soit pas. Le débat front office/back office, fonctions d’autorité ou pas, c’est une manière de ménager la chèvre et le chou qui ne satisfera personne. Il vaut mieux assumer le débat pleinement, dans un sens ou dans l’autre. Je sais que c’est un débat difficile. Et il y a une lâcheté générale du monde politique depuis des années. On a par exemple laissé chaque école statuer, avec son règlement d’ordre intérieur, sur le port de signes religieux. Il faudrait que le personnel politique, loin des élections, avance une grande discussion sur la neutralité et la laïcité dans les services publics et associés. »
“On se sent assez seuls”
Au niveau fédéral, DéFI a déposé une proposition de loi visant à inscrire la laïcité dans la Constitution. « Objectivement, ceux qui prônent l’autorisation des signes ostentatoires dans les services publics ont certains arguments, ceux qui s’y opposent aussi, parce qu’il n’y a pas de norme fondamentale qui tranche. Inscrire la laïcité dans la Constitution offrirait une base juridique assez solide pour la neutralité » explique François De Smet.
« J’appelle tous les partis qui se sont un jour revendiqués d’une forme de laïcité, le PS et le MR, à se poser la question de nous rejoindre. Je ne vous cache pas qu’on se sent assez seuls. On a l’impression que la gauche a abandonné le flambeau de la laïcité, c’est pour ça qu’on l’a repris. Soit on continue à laisser parasiter le débat par des décisions de justice, soit on met l’ensemble des positions sur la table et chaque parti aura, je l’espère, le courage d’avoir une position claire, ce n’est pas le cas aujourd’hui. Ecolo a une position claire ! Je le reconnais, ils ont une position, que je trouve un peu inquiétante. Mais reconnaissons que le PS est beaucoup plus flou et visiblement embarrassé » continue notre député fédéral.
La laïcité, c’est le mélange
Pour DéFI, la laïcité/la neutralité garantissent qu’il n’y ait pas une forme de conviction qui impose son nombre et son influence sur les autres. « Si, dans une ville-région qui compte 180 nationalités, on continue à flatter les petits particularismes au lieu d’investir dans ce qui nous unit, on court à la catastrophe. Quand vous voyez tous les indices, sociaux, économiques et même la carte électorale, où on voit que personne n’est fort partout, cela dit quelque chose. La laïcité, c’est le mélange, je suis en faveur de toutes les politiques qui arrivent à briser la fracture du canal. Sinon Bruxelles va être une addition de ghettos. « Ghetto », c’est un terme très fort. Oui… Ce que j’identifie comme ghetto ce sont des endroits dont on ne sort pas. Et ça, ça existe. Vous avez les Européens qui ne fréquentent personne, des blancs bourgeois qui restent dans leur quartier, le croissant pauvre, tous ces Bruxelles ne se mélangent pas. Comment fait-on pour favoriser un peu plus de mélange ? Cela passe parfois par des choses plus positives que des dynamiques d’interdiction ou d’autorisation. Je songe notamment aux cours de philo et d’histoire des religions. Nous sommes tous des analphabètes religieux et philosophiques. Si, à 18 ans, tout le monde savait ce qu’est le Yom Kippour, les cinq Piliers de l’islam, l’Evangile et, rêvons un peu, Socrate, Aristote et Descartes, je pense qu’une partie de ces tensions diminueraient. L’être humain a une tendance à se réfugier sur son identité lorsqu’il est en insécurité sur le plan identitaire mais aussi sur le plan socio-économique. On ne va pas tout résoudre avec un cours, mais ça permettrait de décrisper de part et d’autre. Je crois que les gens trouvent des refuges identitaires lorsqu’ils n’arrivent pas à s’accomplir dans la vie. Tout le monde veut la même chose : un avenir correct pour lui et pour ses enfants s’il en a. J’ai un peu peur d’un spectre politique bruxellois où on ne parle qu’à une partie de la population. Nous, on essaie, peut-être naïvement, de rester universalistes, de parler à tout le monde. Mais on a parfois l’impression d’être au milieu d’une bataille de qui va s’adresser le mieux aux uns ou aux autres » conclut François De Smet.