DéFI Wallonie demande au gouvernement wallon de solliciter le Conseil d’Etat de manière systématique avant de prendre des mesures d’urgence.

La crise sanitaire touche aujourd’hui, et certainement encore plus qu’hier les citoyens du monde entier : la fameuse deuxième vague de la pandémie de coronavirus, pourtant déjà annoncée il y a plusieurs mois, a surpris et frappé de plein fouet notre pays.

Pouvoirs spéciaux et insécurité juridique

Dans le cadre de la première vague et ce, dès le mois de mars puis dans ceux qui suivirent, les entités fédérale et fédérées ont dû prendre de nombreuses décisions sous le sceau des pouvoirs dits spéciaux, prérogatives qui ont notamment été utilisées pendant ces six mois afin d’adopter les mesures nécessaires aux niveaux sanitaire et socio-économique.

Le mercredi 28 octobre dernier, le Parlement de Wallonie, dans son immense majorité, a donc accordé pour la seconde fois cette année les pouvoirs spéciaux au Gouvernement dirigé par Elio Di Rupo. Les exécutifs de la Région de Bruxelles-Capitale et de la Fédération Wallonie-Bruxelles ont introduit une requête similaire dans leurs parlements respectifs et tout porte à croire que ces derniers y feront diligence.

Comme le soulignait justement le Professeur Emmanuel Slautsky (Droit public – ULB) dans un entretien accordé à La Libre Belgique ce 23 octobre, recourir aux pouvoirs spéciaux doit toutefois faire l’objet d’un contrôle à la fois parlementaire et juridique, ce dernier via la section de législation du Conseil d’État.

Là où les gouvernements fédéral et de la Région bruxelloise ont fait preuve de rigueur en la matière, il apparaît par contre que, parmi les 53 arrêtés de pouvoirs spéciaux adoptés entre mars et juin 2020 par le Gouvernement wallon, 80 % d’entre eux ont été adoptés sans passer par le Conseil d’État, alors que la Loi impose l’avis de ce dernier[1] !

La Wallonie est-elle devenue une île (ou un îlot) de non-droit suite à la pandémie… ?

Mieux encore, on apprend dans une carte blanche datant du 14 octobre dernier et signée par une quarantaine de juristes de haut vol, que bon nombre de mesures, parfois sujettes à controverse et à un haut degré d’impact socio-économique même si elles poursuivent un objectif des plus légitimes, ont été adoptées hors période de pouvoirs spéciaux et par conséquent, sont anticonstitutionnelles.

Cellule wallonne : outil de grande nécessité ou bidule supplémentaire ?

La mise en place il y a quelques jours par le Gouvernement wallon, de sa propre Cellule de lutte contre la pandémie, dirigée par Yvon Englert, est un autre exemple de décision prise au bénéfice de l’urgence et qui aurait pourtant pu faire l’objet préalable d’un contrôle parlementaire et d’une soumission au Conseil d’État, non seulement en anticipant sa création – nous rappelons que la deuxième vague pandémique était annoncée en effet depuis longtemps – mais aussi en tenant compte du fait que cette procédure n’aurait pas excédé quelques jours.

Ajoutons également que le Gouvernement wallon, par l’érection d’un outil supplémentaire, ajoute une énième couche superflue à la pyramide de gestion de la crise et, en filigrane, à la lasagne institutionnelle belge déjà bien alambiquée : tout un chacun a déjà pu se rendre compte que multiplier les institutions enlève toute efficacité et dilue les responsabilités.

N’oublions pas que les niveaux de pouvoir décisionnels se structurent entre État fédéral, Régions et Communautés, Provinces et Communes, chacun avec ses prérogatives propres.

Plaidoyer ferme pour un retour à la transparence et la démocratie en Wallonie

Si les recommandations des experts en matière médicale et/ou scientifique justifient le bénéfice de l’urgence pour de telles décisions, gageons également que, dans un souci de transparence, les rapports émanant des premiers cités doivent faire l’objet d’une possibilité de libre consultation voire de publicité en faveur du citoyen, pour qui l’amas (le train ou le flux) de mesures devient chaque jour de moins en moins digeste et compréhensible pour tout un chacun.

Un exemple frappant est la fermeture anticipée des établissements HoReCa une semaine avant les dernières mesures dites « de la dernière chance », dont la justification scientifique a été discutée jusqu’en Comité de concertation où, apparemment, des études contradictoires ont été opposées les unes aux autres.

Michaël Henen, Vice-président de DéFI Wallonie, s’insurge : « À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles, bien entendu… Mais après huit mois de crise, peut-on encore considérer que l’effet de surprise est toujours présent et que la gestion de celle-ci ne peut s’accomplir qu’au jour le jour, à coup d’arrêtés ou d’ordonnances pris sous le sceau de l’urgence, sans contrôle démocratique ni juridique digne de ce nom ? »

Au sein de DéFI, nous estimons au contraire que, si la crise sanitaire a provoqué une absence de débat et de fonctionnement démocratique, la classe politique doit pouvoir rétablir, garantir et stabiliser l’État de droit tel que nous l’avons connu jusqu’à présent.

Notre analyse nous pousse à conclure également que toutes les décisions prises dans un passé récent ne justifiaient pas l’urgence voire la précipitation et méritaient, a contrario, un temps d’analyse et de contrôle par les instances habilitées à ce faire.

Et Pascal Goergen, Président de DéFI Wallonie, conclut en ce sens : « La Wallonie ne peut devenir un ïlot de non-droit. Dès lors, nous exhortons les autorités notamment wallonnes, mais aussi d’autres niveaux de pouvoir concernés, à veiller – tant que faire se peut – au processus naturel de décision axé à la fois sur le contrôle démocratique de leurs parlements respectifs mais aussi sur la sollicitation systématique du Conseil d’État et de sa section de législation, balises indispensables à la fois pour la résolution de cette crise sanitaire que nous espérons tous tant et plus, mais également pour garantir la légalité des mesures entourant celle-ci. »