Ces derniers jours, les règles de fonctionnement pour les écoles secondaires, les établissement d’enseignement supérieur et artistiques sont passés par le jaune, l’orange, le rouge… Et chaque enseignant, chaque élève, chaque parent fait du mieux qu’il peut pour s’y adapter.
Toutefois, sans matériel, sans formation, sans accompagnement sur le terrain, on est bien loin de conditions favorables à un enseignement de qualité. Ceux qui en paient le prix chaque jour, ce sont les étudiants et les élèves, ballotés de code en code, d’enseignement hybride en enseignement à distance.
Serait-il possible de donner aux jeunes une réponse claire, du matériel de qualité et un peu de stabilité ?
Aujourd’hui, DéFI demande à l’ensemble des autorités compétentes :
- un discours cohérent et compréhensible sur l’organisation de l’enseignement, et les moyens de mettre en oeuvre cette organisation ;
- une explication claire, fournie à chaque enfant et à chaque parent d’élève, sur ce qui est attendu des élèves d’ici à décembre ;
- une réponse compréhensible sur l’organisation des épreuves de fin d’année, dans le secondaire, et sur l’organisation de la session de janvier, particulièrement pour tous les élèves de l’enseignement de qualification, qui doivent présenter leur épreuves intégrées avant la fin de l’année ;
- une réflexion sans tabou sur la suite de la scolarité de tous ces étudiants qui ont, pour la plupart à regret, été privés de cours pendant de nombreux mois, faute de matériel et d’organisation adaptée.
Des questions présentes à tous les niveaux
Ce jeudi 29 octobre, Luc D’Hondt, conseiller provincial et chef de groupe DéFI en Brabant wallon, a interrogé le Collège provincial sur les mesures prises par l’institution pour organiser au mieux l’enseignement à distance, à nouveau imposé en Fédération Wallonie-Bruxelles aux élèves du secondaire et du supérieur.
Sa question portait sur le niveau de préparation des écoles et des professeurs en Brabant Wallon : «Nos établissements scolaires étaient-ils prêts à fournir à tous les élèves un enseignement à distance de qualité ? Quelques jours plus tard, nous sommes en code rouge, les écoles sont fermées jusqu’au 15 novembre. Et après ? Loin des discours et des plans théoriques, la situation exigeait des réponses concrètes, sur le terrain : des ordinateurs, des tablettes, du wifi de qualité… Avons-nous tout cela ? Les écoles provinciales sont-elles prêtes et équipées pour faire face à la situation ? Les professeurs et les élèves disposent-ils tous du matériel nécessaire, ont-ils été formés à son utilisation ? »
Pour Mourad Abdelali, échevin DéFI en charge de l’enseignement à Tubize, « Jamais dans l’histoire de l’enseignement, autant de circulaires ont dû être digérées et mises en place par les établissements scolaires en un temps si court. Par ailleurs, cette crise sanitaire a mis en lumière le manque criant de moyens donnés au développement du numérique dans les écoles. »
D’autres témoignages relaient les difficultés d’organisation ou des incohérences qui aggravent la situation.
Michaël Henen, vice-président de DéFI Wallonie et professeur dans l’enseignement secondaire artistique à horaire réduit, à l’Académie Hubert Keldenich de Welkenraedt (Musique – Arts de la parole – Danse) : « Cette crise sanitaire a eu le mérite de démontrer que l’enseignement artistique ne bénéficie pas de la même considération que l’ordinaire ou le spécialisé. Un simple exemple en est qu’au-delà de la honteuse différence barémique qui frappe notre secteur, nous ne pouvons profiter de la prime au numérique qui est octroyée aux enseignants de la Fédération Wallonie-Bruxelles, entre autres. »
Pascal Goergen, Président de DéFI Wallonie et professeur dans l’enseignement supérieur : « En tant que professeur à la Haute Ecole EPHEC, je partage mon horaire de cours sur les sites de Woluwé et de Louvain-la-Neuve. Nous avions commencé les cours en distanciel avec les BAC2 et maintenu les cours en présentiel pour les BAC1. La différence est énorme en termes pédagogique et didactique, mais aussi et surtout en termes de contact, de réactivité, de relations humaines. Tout cela a disparu avec le reconfinement. Aujourd’hui, je me rends compte que je ne « verrai » plus mes étudiants de BAC 2 avant la session d’examen de janvier… Pas très joyeux comme perspective. C’est aussi très dur pour les étudiants car ils doivent suivre un rythme et ne pas se laisser « dépasser » (…) Tous ne sont cependant pas égaux en ces temps de pandémie : appartements à partager à plusieurs, un ordinateur (voire pas) par famille, cas de Covid dans leur famille, etc… Ce deuxième confinement est une nécessité sanitaire et implique des changements dans ma manière d’enseigner. ll faut néanmoins faire preuve de solidarité, d’empathie et de flexibilité. En tant qu’enseignant, je m’y attèle tous les jours. »
« Tout va très bien, tout va très bien »
Sur papier, et selon les organes interrogés, tout semble fonctionner parfaitement.
Ainsi, la députée Marie-Martine Schyns (cdH) a interpellé le ministre régional Borsus le 27 octobre en commission parlementaire sur la digitalisation de l’enseignement et notamment l’accord de coopération entre régions et communauté. La réponse du Ministre n’est hélas pas encourageante : le gouvernement conjoint, qui doit statuer sur cet accord de coopération, a été reporté sine die pour cause de Covid. Bien qu’il reconnaisse sans peine l’urgence, et la nécessité que la Région apporte expertise et ressources en matière de numérisation de l’enseignement, les moyens qui y seront dévolus en 2021 ne sont ni connus, ni discutés. À entendre la réponse du Ministre Borsus, les objectifs et la méthodologie doivent encore être définis. On croit rêver.
Deux jours plus tard, à la question posée par Luc D’Hondt, la députée socialiste Isabelle Kibassa Maliba offrait une réponse on ne peut plus sereine et rassurante : les cours se donnent sur Teams. 140 ordinateurs recyclés ont été distribués aux élèves qui en ont besoin, et les élèves qui ne disposent pas d’une connexion Internet à domicile « sont invités à rejoindre l’école où du matériel et une connexion seront à leur disposition »!
Au niveau de la Fédération Wallonie-Bruxelles, 10 millions d’euros ont été dégagés dans le but exclusif d’acheter 500 ordinateurs pour les élèves et étudiants.
Pour rappel, la Wallonie compte un peu plus de 300 000 élèves inscrits dans l’enseignement secondaire. 140 ordinateurs par ci, 500 par là… Peut-on vraiment se montrer satisfait et serein ?
En matière de digitalisation de l’enseignement en Wallonie, DéFI ne peut se satisfaire de la réponse donnée par la Région, ni par celle de la Fédération, qui a pourtant édicté les conditions d’enseignement pendant cette crise sanitaire.
Une fois de plus, ce sont les pouvoirs locaux ou le milieu associatif qui apporteront des solutions, chacun à leur échelon, là où l’opportunité était belle de faire preuve d’efficacité tout en réalisant de sérieuses économies d’échelle. Sans doute la réponse des entités fédérées viendra-t-elle trop tard, après les votes des budgets, un peu comme pour les masques dont on avait besoin en mars et qui sont arrivés en juin, finalement.
Mais le 16 novembre, c’est demain. Il est trop tard pour les réponses vagues ou aveugles.
Et maintenant ?
Dans quelques jours, les élèves, les étudiants et les enseignants, depuis la troisième secondaire jusqu’à la fin des études universitaires, seront tous plongés dans l’enseignement à distance, de gré ou de force, équipés ou démunis, connectés ou pas. Il est vrai que personne n’a souhaité cette situation : ni les autorités, ni les professionnels de l’éducation, et encore moins les élèves eux-mêmes.
Cela présuppose donc que les professeurs comme les élèves disposent :
- d’équipements au goût du jour, compatibles avec Teams, le logiciel choisi par la Fédération Wallonie Bruxelles ;
- d’une connection Internet, financées par les parents, suffisamment stables pour permettre de suivre/donner cours, quel que soit le territoire où habite l’élève ;
- de formations à l’utilisation de ces outils et ressources
Cela présuppose aussi qu’élèves, parents et professeurs soient informés clairement – notamment des horaires de cours – et conviennent des modalités pratiques qui rendront cette nouvelle façon d’apprendre aussi efficace et épanouissante que possible.
« Nous voilà à la croisée des chemins », dit Joëlle Maison, députée DéFI au Parlement de la Fédération Wallonie Bruxelles. « La pandémie du Coronavirus a paralysé notre enseignement durant de longs mois et a mis en lumière les nombreuses failles de notre système. Les crises de cette envergure doivent aussi être vues comme une opportunité pour pallier les déficiences et accélérer les changements. Hélas, c’est uniquement à coups de codes, de circulaires et de déclarations d’empathie que le gouvernement de la Fédération semble répondre aux urgences du moment. La communauté éducative trépigne, les questions fusent, les cas de décrochage se multiplient. Tandis qu’au sommet, l’état de sidération demeure. »
« Des pédagogues éclairés, un collectif rassemblant plusieurs centaines d’enseignants, des chefs d’établissements, des chercheurs, (…) ont pourtant proposé de nombreuses pistes très concrètes et peu coûteuses qui permettent de mobiliser les ressources à l’attention des enseignants, d’organiser les groupes d’élèves dans et hors des classes, de répondre à l’insuffisance de matériel informatique, d’assurer un enseignement à distance attractif, de combattre le cyber-harcèlement qui prend des proportions encore plus inquiétantes qu’auparavant. L’indispensable prudence sanitaire ne peut s’accompagner de ce silence pédagogique, assourdissant, qui résonne après la publication de chaque circulaire. Il faut rassurer, organiser, partager, accompagner. L’urgence éducative est là et l’enthousiasme, prêt à éclore. Nous n’avons plus le temps d’attendre. »