“Ma grande inquiétude : les régimes autoritaires et parfois dictatoriaux en train de monter en puissance tandis que la démocratie, elle, est en peine un peu partout”

Il y a quelques jours, Didier Gosuin, bourgmestre d’Auderghem, se confiait au micro de BX1 sur la gestion de la crise Covid-19 par les communes bruxelloises et particulièrement la sienne. Aujourd’hui, c’est à Alice Dive, journaliste à La Libre, qu’il confirme avoir perdu le goût de la politique suite à cette même crise sanitaire.

“On a obligé les bourgmestres à jouer des rôles incongrus”

« Je constate avec amertume que nous n’avons absolument rien appris de cette crise. Après la guerre, tout le monde était meurtri et il y a eu un grand élan de démocratie. On a accordé le droit de vote aux femmes, on a instauré la sécurité sociale, on a mis en place de grandes réformes qui ont structuré notre vie commune. Avec la crise que nous venons de vivre, nous aurions pu espérer un sursaut en termes de réorganisation des soins de santé » commence Didier Gosuin. 

Or, alors que tous les partis politiques déclarent aujourd’hui que la sixième réforme de l’État est “une imbécillité sans nom”, le bourgmestre d’Auderghem constate que le programme de la Vivaldi, c’est-à-dire la majorité, reste dans la ligne du passé et souhaite détricoter la sécurité sociale. Didier Gosuin continue : « Je ne vois pas la stratégie du politique et chaque jour qui passe envoie des signaux qui me font dire que nous n’allons pas dans le bon sens. Si j’ai perdu le goût du politique, c’est parce que j’en attendais beaucoup de lui. Si j’avais été encore ministre au moment de la crise, je pense que j’aurais été encore plus mal à l’aise vis-à-vis du citoyen que je ne le suis déjà aujourd’hui en tant que bourgmestre, car je me sentirais presque complice de dysfonctionnements graves. Ce qu’il s’est passé dans les maisons de repos est une horreur sans nom. J’ai vu des directrices d’établissements pleurer et me dire que des patients étaient refusés à l’hôpital tandis que des ministres déclaraient avoir la situation en main. Ils n’avaient pas du tout la situation en main ! Je crois sincèrement que si j’avais été à la place du ministre Alain Maron, j’aurais démissionné car je n’aurais pas pu défendre de telles positions incongrues. Rendez-vous compte : moi, en tant que bourgmestre, j’ai dû donner des ordres à ma police d’interdire à la population de s’arrêter en rue, aux personnes âgées de s’asseoir sur les bancs publics. Les enfants ne pouvaient plus jouer dans les plaines de jeux. On a obligé les bourgmestres à jouer des rôles qui étaient incongrus. Je l’ai très mal vécu, car on nous a raconté toutes sortes de choses qui n’étaient pas la vérité scientifique. On nous a menti. »

Passer la main en continuant à défendre ses valeurs autrement

Pendant la crise, les communes ont été très sollicitées dans la gestion de la crise “au jour le jour”. Pour Didier Gosuin, malgré des impositions souvent stupides et grotesques de la part de la Région et du fédéral, les communes ont été au front durant la crise. Mais pour Didier Gosuin, la situation n’a pas aidé à remettre en question une décision qu’il avait déjà prise avant 2020 : « Je passerai la main à la jeune génération avant 2024, dans un avenir proche, même. Mais cela, ce n’est pas lié au désenchantement que je peux avoir aujourd’hui vis-à-vis de la politique. C’est une décision que j’ai prise avant le début de la crise. Cela étant, cela ne va pas m’empêcher de continuer à porter mes idées, notamment au travers d’un nouveau mouvement citoyen de réflexion et d’action, D21 (pour Démocratie et XXIe siècle), que j’ai lancé en mars 2020. Ma grande inquiétude, c’est que nous sommes aujourd’hui dans un processus de fragilisation de notre modèle de démocratie. Ce sont des régimes autoritaires, des modèles poujadistes et même parfois des régimes dictatoriaux qui sont en train de monter en puissance tandis que la démocratie, elle, est en peine un peu partout. »